Editorial | Un nouveau visage, pour de nouveaux défis (bis*)
Un bon lifting: couleurs, graphisme, papier 100% recyclé, remaniement de certaines rubriques. Sur le point de fêter son quart de siècle, Vivre Ensemble méritait bien de nouveaux atours.
Pure coquetterie? Nous partons de l’idée que la forme est destinée à porter le fond. Autrement dit, à valoriser le travail d’information, de dénonciation ou de témoignages que fournit l’équipe de rédaction du journal, pour certains depuis le début de cette aventure, pour d’autres depuis récemment.
Renouveler la maquette de Vivre Ensemble signifie ainsi pour nous aller de l’avant. Et réaffirmer notre détermination à promouvoir une véritable politique d’asile en Suisse, à défendre une société qui traite avec dignité jusqu’au plus faible de ses membres.
Des défis à relever, nous n’en manquons pas. Certains partis cultivent la haine et le mépris des plus faibles. Dans un essai diffusé clandestinement en 1943 (Le Cahier noir), François Mauriac y voyait le fondement des doctrines totalitaires:
«Le mépris de l’homme est nécessaire à qui veut user et abuser de l’homme. On ne peut se servir, comme d’un instrument à toutes fins, d’une créature immortelle et quasi divine. C’est pourquoi ils avilissent d’avance leurs victimes».
Exclusion et stigmatisation n’ont-elles pas envahi la rhétorique des politiques? La machine à fabriquer des bouc émissaires fonctionne à plein régime: Juifs hier, Roms, Musulmans, requérants d’asile aujourd’hui. Les mêmes ressorts sont utilisés, la même terminologie. Plutôt que de répondre aux peurs et frustrations de la population – chômage, crise économique- le pouvoir détourne l’attention. Manipule l’opinion. Et institutionnalise le rejet de l’autre, bafouant sans vergogne les droits les plus fondamentaux.
Les durcissements concoctés par Evelyne Widmer-Schlumpf alimentent ainsi le mythe d’un pouvoir illusoire, celui de maîtriser les flux migratoires (p. 12). Comme si la Suisse vivait hors du monde et de ses réalités. Les témoignages et parcours de déserteurs érythréens révèlent à quel point la «désertion» s’apparente davantage à une fuite pour la vie qu’à une simple objection de conscience à la sauce helvète (p. 14).
Alors jusqu’où ira-t-on? La politique actuelle de l’asile a déjà créé un apartheid helvétique, avec dans le rôle des parias les recalé-e-s de l’asile. Rabaissés au régime d’aide d’urgence, ceux-ci se voient infliger par certaines juridictions cantonales des peines de prison ferme pour «séjour illégal» (p. 2).
Le Parlement discute à présent de leur refuser le droit d’aimer et de fonder une famille, en leur supprimant le droit au mariage.
Dans le refus du mépris, dans la résistance à l’intolérable, l’équipe de Vivre Ensemble sera de la partie. Et peut-être, grâce à votre soutien, pour les 25 prochaines années!
Vivre Ensemble
* Nouveaux défis, nouveau visage, titre emprunté à l’éditorial de Vivre Ensemble publié en septembre 1994, lors du précédent changement de maquette.