Changer le système ou de système?
«Lorsque le citoyen estime que l’État est infidèle à ses propres principes, il a le droit de le rappeler à sa véritable mission. Et s’il le faut, il ira même jusqu’à marquer sa protestation par des actions jugées illégales, mais revendiquant une légitimité supérieure, liée aux principes premiers du droit. C’est ce qui fonde le droit de résistance, déclaré comme droit fondamental dans la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » de 1789».
Quelle attitude adopter à l’égard de la politique d’asile menée par les autorités suisses? Se soumettre ou résister? A quel moment un acte de résistance devient-il, plus qu’un droit, un devoir éthique? Le deuxième volet de notre série spéciale 25ème anniversaire explore, sous la plume du Prof. Pierre Bühler, les critères éthiques de la résistance.
Une grille de lecture qui sonne comme une bouffée d’oxygène pour celles et ceux qui se sentiraient paralysés sous l’avalanche de haine et le climat d’intolérance dont l’actualité nous abreuve.
L’ouverture d’un « refuge » pour protéger les personnes débouté-e-s et menacées de renvoi par le collectif Droit de rester s’inscrit dans cette logique de résistance. Dans notre édition de septembre, la militante ayant participé à l’occupation de la Kleine Schanze, à Berne, relevait:
«Si nous voulons changer la politique migratoire actuelle, nous n’avons pas le choix».
En matière de mesures de contrainte, le tableau est en effet plutôt noir. Un mort cette année. Il y en a eu d’autres par le passé. Le Comité contre la Torture de l’ONU a épinglé la Suisse en mai 2010 pour la durée de détention administrative trop longue (24 mois), les mauvais traitements lors de renvois forcés et le manque d’accès aux soins psychiatriques à la prison administrative de Frambois.
Dans ce contexte, la réponse de la porte-parole du Département genevois de la sécurité suite à la mini-révolte survenue dans l’établissement relève de la méthode coué: «A Frambois, la prise en charge est excellente. Ces événements ne remettent pas en cause le système» (Le Courrier et Le Temps).
C’est pourtant bien le système dans son ensemble qu’il convient de mettre en cause. La détention administrative fait partie de ces outils «vendus» politiquement comme la solution miracle au « problème migratoire». Le paradigme: le traitement serait si dissuasif qu’il contraindrait les recalé-e-s du droit d’asile à collaborer à leur retour, donc à l’exécution du renvoi. Pourtant, au moment d’allonger la durée de la détention de 12 à 24 mois (lors de la révision législative de 2005), la Commission de gestion du Conseil national constatait qu’au-delà de 3 mois, la mesure est inopérante. La Suisse persiste à l’appliquer, malgré les souffrances intolérables qu’elle engendre. Dans quel but?
Ceci nous ramène à la réflexion de Pierre Bühler:
«Quand la résistance devient-elle un devoir éthique? Il me semble qu’on peut répondre: lorsque les écarts (entre les décisions de l’autorité et nos principes premiers) suscitent une injustice intolérable, c’est-à-dire lorsqu’il y a violation des droits fondamentaux, lorsqu’il faut estimer en conscience que la vie, la liberté et l’intégrité physique et psychique d’êtres humains sont menacées.»
Sophie Malka