Le silence, pour dire et agir
« Les Cercles de Silence s’élèvent contre les atteintes à l’humanité des étrangers en situation irrégulière et à celle des exécutants recevant des ordres incompatibles avec leur propre dignité. Ce silence veut être un moyen d’action à la portée de tous, une interpellation adressée à nos concitoyens et aux pouvoirs publics, un temps d’intériorité pour une prise de conscience et une invite à déboucher sur d’autres actions».
(Frère Alain Richard)
Le premier Cercle de Silence s’est déroulé à Toulouse en 2007 à l’initiative d’un Franciscain, frère Alain Richard. Il s’agissait alors de manifester contre l’existence d’un centre de rétention où se trouvaient enfermés les étrangers destinés à être expulsés par les autorités. Depuis, chaque dernier mardi du mois, frère Richard, sa communauté et de nombreux sympathisants se réunissent en silence pendant une heure pour dénoncer la situation des personnes sans-papiers. Des pancartes et quelques banderoles renseignent les passants sur le but de leur action. Par la suite, ce mouvement s’est rapidement étendu à d’autres villes et on compte aujourd’hui plus de 170 Cercles de Silence réguliers en France.
En Suisse, cette démarche a fait une timide apparition il y a deux ans. Dans le canton de Vaud, tout d’abord. Et cette année à Genève. De nombreuses personnes engagées dans les associations proches des migrants ne sont pas encore réellement convaincues du bien fondé de cette initiative. Plusieurs militants trouvent cette action sympathique, mais un peu trop «gentille». D’autres craignent d’être entraînés à leur insu dans une démarche religieuse.
Lors d’une conférence organisée par la COTMEC (1) à Genève, le 29 janvier 2011, frère Richard a expliqué pourquoi le choix du silence s’est imposé comme méthode et comment il peut agir comme dynamique de la conscience. Il a également souligné qu’un Cercle de Silence n’est pas un cercle de prière mais une expérience, une rencontre, un partage d’humanité.
Quelques points évoqués:
- Le silence est à la portée de tous, il permet d’unir des personnes qui seraient facile-ment divisées par des paroles, des idéologies ou des croyances.Le silence donne la possibilité de sortir des débats stériles relayés par les médias intéressés davantage par la polémique que la recherches de solutions.
- Les problèmes liés aux situations des personnes sans-papiers et déboutées de l’asile sont complexes et difficiles, mais ils ne justifient pas la violation grave et organisée de la dignité des étrangers. La recherche de solutions est la responsabilité de tous et demande aussi l’aide de l’opposant.
- Le silence permet de sortir des justifications juridiques, des règlements et de la banalisation pour se mettre à l’écoute de sa propre conscience qui, elle, va conduire à donner la priorité à l’être humain. « Mais que sommes-nous en train de faire subir à nos semblables ? ». Et c’est avec le filtre de cette question que nous pouvons alors réfléchir à ce que signifie réellement une troisième génération de sans-papiers, l’utilisation de moyens disproportionnés pour les renvois forcés, vivre plusieurs années à l’aide d’urgence, être enfermé jusqu’à 24 mois sans avoir commis de délit …
Le moment de silence est un temps d’arrêt, d’écoute, de respiration. Il peut déboucher sur une nouvelle compréhension de la situation et de nouvelles actions.
Nicole Andreetta
Note:
(1) Commission Tiers-Monde de l’Eglise catholique