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Notre regard

CCSI Fribourg | Renvoi d’un père de famille

Après 25 ans en Suisse, un père de famille doit quitter sa femme et ses cinq enfants qui ont toujours pu compter sur son soutien moral et financier.

« Pour le meilleur, mais pas pour le pire ! » tel pourrait être le slogan scandé secrètement par celles et ceux qui décident des renvois. Et pourtant, Alban* d’origine kosovare n’a certainement pas commis le pire. Depuis plus de 25 ans, il vit et travaille en Suisse où il a formé une famille stable et unie. Après son arrivée en 1986 en tant que saisonnier, il obtient plus tard une autorisation de séjour, puis d’établissement. En 2008, sa femme et ses cinq enfants obtiennent la nationalité suisse. Mais en 2009, suite à une condamnation passée de 3 ans pour infraction à la loi sur les stupéfiants (LStup) et malgré un comportement irréprochable durant sa détention, Alban voit son permis d’établissement révoqué avec décision de renvoi. En 2010, après plusieurs démarches juridiques, Alban finit par contacter le CCSI/SOS Racisme de Fribourg qui formule un recours auprès du Tribunal fédéral. Or, ce dernier rejette le recours et confirme la décision de renvoi prise au niveau cantonal.

Une famille sous le choc                                                                                                          

La décision de renvoi provoque l’incompréhension et la colère au sein de la famille. La fille aînée d’Alban rapporte auprès du CCSI/SOS Racisme: « sans mon père, je ne sais pas comment ma famille va s’en sortir. Il a toujours été là pour nous, et c’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai achever ma formation ». Parmi les cinq enfants d’Alban, quatre – deux filles mineures scolarisées et deux enfants en apprentissage – dépendent encore entièrement de ses revenus, de même que la mère qui n’a pas de travail.

Incohérence ou désinformation politique?

La décision de renvoi est un coup dur pour la famille d’Alban, mais représente aussi un coût élevé pour la société. Tandis que certains politiciens veulent limiter les abus à l’aide sociale (voir édition du Journal La Liberté du vendredi 24 février), une solution inverse est proposée: renvoyer un père qui a toujours subvenu aux besoins de sa famille en la faisant ainsi plonger à l’aide sociale. Par ailleurs, l’obtention de la naturalisation suisse par l’épouse et les enfants d’Alban résulte d’un long processus par lequel ils ont dû faire preuve d’intégration. Celle-ci est aujourd’hui entachée par une décision divisant famille et instituant une double peine à l’égard du père: pourquoi Alban devrait-il quitter la Suisse, alors qu’il a déjà purgé sa peine ?

Une vague de renvois secoue Fribourg

Le CCSI/SOS Racisme de Fribourg a vu défiler trois décisions d’expulsion ces deux derniers mois. Or, ces décisions ne concernent pas des étrangers dont le lien avec la Suisse est banal. Cette pratique apporte de l’eau au moulin à des exécutions mécaniques et systématiques de renvoi d’étrangers ayant commis des infractions. Pour rappel, la Cour européenne des droits de l’Homme a récemment condamné la Suisse pour violation du respect de la vie privée et familiale (ACEDH Emre c. Suisse n° 2). Dans l’affaire, le recourant avait commis de nombreuses infractions, mais son âge d’arrivée, sa durée de séjour ainsi que ses liens avec la Suisse avaient su faire pencher la balance en sa faveur. Alban a-t-il lui aussi pu bénéficier d’une juste pesée des intérêts en présence? N’est-il pas avant tout un père présent qui a su créer une unité familiale stable et favoriser l’intégration de sa famille ? Sa fille aînée le dit elle-même : « je lui dois beaucoup ».

* prénom d’emprunt

Personne de contact : Hélène Agbémégnah (026 424 21 25) – CCSI/ SOS Racisme