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Documentation

VOL SPECIAL | Que sont-ils devenus? Le webdoc est en ligne

«Après chaque départ par vol spécial, nous sommes restés en contact avec les détenus. Nous avons donc décidé de continuer à les suivre dans leur pays d’origine et filmer leur vie après l’expulsion.» La caméra de Fernand Melgar nous emmène sur les pas de ceux que la Suisse a choisi d’expulser par vol spécial, et de filmer les conséquences concrètes d’une politique intransigeante et des lois votées par une majorité de Suisses.

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GEORDRY
Fils d’un opposant politique assassiné, Geordry doit fuir le Cameroun et dépose une demande d’asile en Suisse. Ses motifs de persécution sont jugés peu vraisemblables. Suite à une décision négative, il est amené à Frambois. Expulsé par vol spécial à Yaoundé, il est incarcéré dès son arrivée à la prison centrale de Kondengui, tristement connue pour ses pratiques de torture. Pour des raisons non éclaircies, des éléments compromettants de sa demande d’asile en suisse ont été remis aux autorités camerounaises.

RAGIP
Ancien saisonnier, Ragip a travaillé 20 ans en Suisse où il a payé des impôts et cotisé aux assurances sociales. Expulsé par vol spécial au Kosovo, il est rongé d’inquiétude pour ses 3 enfants et sa femme qui vivent cachés. Pendant la détention de Ragip et à la demande du Département de la sécurité, de la police et de l’environnement genevois, le Département de l’instruction publique a confirmé la dernière adresse connue d’un de ses enfants inscrits à l’école publique. L’adresse transmise s’est révélée caduque.

JETON
Rom du Kosovo réfugié en Allemagne, Jeton est arrêté et emprisonné pour séjour illégal en Suisse pendant sa procédure de mariage. Suite au décès du requérant nigérian, les vols spéciaux sont temporairement suspendus et Jeton est libéré de Frambois. Il rejoint sa fiancée et peut se marier in extremis en décembre 2010. Il bénéficie alors d’un regroupement familial et donc d’une admission provisoire en Suisse. Depuis le 1er janvier 2011, la Suisse interdit les mariages sur son territoire aux sans papiers, même avec un conjoint suisse.

SERGE
Requérant débouté, Serge a été renvoyé par vol spécial à Kinshasa en RDC et dépouillé par la police locale de tous ses bagages et de son argent à son arrivée. Traumatisé par le vol, sans le sou, sans famille et sans attache sur place, il vit dans la plus grande des misères. Depuis une année, il se rend régulièrement à l’ambassade suisse pour essayer de récupérer l’argent qu’il a cotisé aux assurances sociales lorsqu’il travaillait à Genève. Il est sans nouvelles de sa fille restée en Suisse.

JULIUS
Lors du vol spécial, Julius a dit à maintes reprises aux policiers zurichois en charge de son entravement qu’il avait un problème au genou. Suite au décès du Nigérian qui est mort à ses côtés à l’aéroport, Julius est libéré. Il a gardé de graves séquelles physiques liées à son entravement. Pour avoir été ligoté trop fort, son tendon a lâché. Fin 2010, il a subi une première opération au genou mais risque de rester partiellement handicapé.

ALAIN
Alain, syndicaliste menacé, fuit la RDC et demande l’asile à son arrivée à Genève. Il ne verra jamais la Suisse autrement qu’au travers des barreaux d’une cellule. Après être resté enfermé 2 mois à l’aéroport pendant sa procédure d’asile, il est amené à Frambois après une réponse négative. Expulsé 8 mois plus tard, il s’est réfugié en Angola. Selon lui, les policiers suisses ont transmis aux autorités congolaises son dossier d’asile contenant des informations compromettantes pour lui et ses proches.

WANDIFA
Wandifa habite en Gambie, dans un petit village. Il est élevé par son oncle et sa tante dans une maisonnée d’une vingtaine de personnes. A sa majorité, Wandifa est « élu» par son oncle pour partir en Europe. Il part sur une pirogue avec 80 autres personnes. Ils se perdent en mer et le voyage qui dure 9 jours se fait dans des conditions extrêmement difficiles. Arrivés aux Canaries, il est transféré en Espagne. Il devient rapidement un requérant d’asile débouté en Suisse. Il travaille tant bien que mal et effectue n’importe quel petit boulot qui lui permet d’envoyer mensuellement de l’argent à sa famille en Gambie. Il est arrêté et détenu à Frambois pendant 16 mois. Durant sa détention, il cumule les différents travails possibles au sein de la prison et arrive à gagner 300 CHF (250 euros)  par mois qu’il continue d’envoyer à sa famille. En prison, il développe sa musique. Il écrit d’ailleurs des chansons sur les thèmes de la migration et de l’incarcération. Il est expulsé en Gambie en septembre 2010.  Sa famille n’est pas contente car elle s’était cotisée pour lui payer le voyage et l’argent qu’il envoyait depuis la Suisse leur permettait de se nourrir et de payer les soins médicaux. Son renvoi est vu comme un échec migratoire. Wandifa rend d’ailleurs visite régulièrement à sa famille, mais n’habite plus avec eux. Il continue à écrire sa musique et trouve même un studio d’enregistrement pour faire son premier single.

PITCHOU
Il y a plus de 15 ans, Pitchou dépose une demande d’asile en Suisse. Elle est rejetée en 1998, mais comme il n’existe aucun accord de réadmission avec la République Démocratique du Congo (RDC), les autorités suisses ne peuvent pas le renvoyer. Pendant ces années, il habite Lausanne. C’est là qu’il travaille en tant que coiffeur, qu’il crée son réseau social et qu’il rencontre sa fiancée et mère de son fils, Christ-Vie. Un matin de décembre 2009, deux policiers en civil frappent au domicile de la famille. Ils expliquent à Pitchou qu’il doit se rendre au Service de la Population pour un problème administratif. Pitchou embrasse sa fiancée et son fils, âgé alors d’un mois et demi et suit les policiers. Il n’arrivera jamais au Service de la Population. Il est conduit devant la Justice de Paix et est incarcéré à Frambois en vue de son expulsion. C’est depuis cette prison qu’il est amené plus tard à Vevey. Chaînes aux pieds et aux poignets, humilié, il traverse la ville jusqu’au Service de l’Etat Civil. En effet, il veut finir les démarches liées à la reconnaissance en paternité de son fils qu’il avait entreprises avant son incarcération. Le 2 mars 2010, un jour avant un vol spécial qui doit emmener Pitchou à destination de Kinshasa, un revirement de situation se produit. Suite à une forte pression médiatique et à une mobilisation de militants, à la surprise générale, Pitchou est libéré. Il rejoint alors sa fiancée et son fils. Il trouve un logement modeste pour sa famille à Aigle. Il obtient un permis provisoire et se met à la recherche d’un travail. Pitchou le sait, il fait figure d’exception parmi les détenus de Frambois. Mais sa situation reste précaire : avec leur admission provisoire, lui est sa famille peuvent se faire expulser à tout moment.

JEAN-MICHEL CLAUDE
Avant d’être à Frambois, il a été le directeur de la plus grande prison pénale de Genève, Champ-Dollon, dont il a été évincé, suite à un sévère rapport d’experts dénonçant son obsession sécuritaire et des méthodes de gestion autoritaires, propos qu’il a toujours jugé exagérés. Mis alors au placard huit années durant au Département de justice et police –entre temps rebaptisé des institutions-, Jean-Michel Claude a cependant obtenu la possibilité de reprendre des études et de faire un master en administration publique à Lausanne. Mais son horizon professionnel était bouché et il a postulé à 58 reprises en interne sans succès.
La nomination de Jean-Michel Claude à Frambois coïncide avec le lancement d’une procédure, par ses soins, auprès du Tribunal de première instance pour harcèlement moral, de multiples affrontements et procédures, ayant eu lieu durant toutes ces années, notamment concernant sa gestion administrative de Champ-Dollon. Il reprend ainsi en 2008 la direction de Frambois dans un contexte explosif, où le centre est de surcroît la cible de vives critiques de la part des milieux de défense des droits de l’homme et de la Commission des visiteurs officiels. Aujourd’hui, Il est très fier de son travail à Frambois, de son équipe, du Centre et de son approche qu’il qualifie de « sociale » car, dans les autres prisons, comme à Zurich, les méthodes utilisées sont beaucoup plus dures, avec un taux de réussite de renvoi plus faible qu’à Frambois… On peut dire que Jean-Michel Claude a réalisé son rêve car, à la vue de ses bons résultats, une décision des parlementaires genevois a été prise en septembre 2011 lui permettant de lancer un projet d’agrandissement pour augmenter les places de détention administrative à Frambois de 25 à 200…

DENIS
Gendarme en France pendant 32 ans, Denis s’occupait alors de mineurs ou de toxicomanes. Une fois à la retraite, de son propre aveu, il tournait en rond à la maison… Il est ainsi arrivé à Frambois en 2007 pour s’occuper et s’est rapidement retrouvé chef d’unité. Denis trouve son travail très épanouissant. Pour lui qui n’a quasiment jamais voyagé, le contact avec les détenus lui donne le sentiment de voyager…

ADULAÏ
Originaire de Guinée-Bissau, Adulaï a grandi au Portugal puis est venu à Genève dans les années 90 pour poursuivre sa carrière de footballeur. Il y a fondé une famille et est resté en Suisse. Il a travaillé en tant que médiateur interculturel pour une association qui militait pour l’intégration des étrangers à Genève. En 2004, il rejoint Frambois en tant que surveillant. « Mon côté militant dirait que j’aime mieux que ce soit moi ici plutôt qu’un autre », affirme-t-il. Les détenus africains se méfient de lui et pensent qu’il est chargé d’identifier leur nationalité pour mieux les renvoyer. En tant qu’Africain, Adulaï dit être contre les renvois forcés. Il sait que le retour au bled les mains vides, pour la plupart, c’est du suicide.

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