Le Courrier | Nouvelle procédure d’asile
Nouvelle procédure d’asile: les ONG critiques
Les ONG, exclues du groupe de travail Condédération-cantons, critiquent ses conclusions. Interview de Denise Graf, d’Amnesty International.
Débat entre Serge Gamma, chef du Service neuchâtelois des migrations, Denise Graf, d’Amnesty, et Noël Wetterwald, ancien représentant du HCR.
La nouvelle procédure d’asile proposée par Simonetta Sommaruga a fait l’objet d’un rapport d’un groupe de travail Confédération-cantons, qui devrait être entériné lors de la Conférence nationale sur l’asile le 21 janvier. Les organisations actives dans les droits humains, qui n’ont pas été intégrées au processus de réflexion, critiquent son contenu. Le point avec Denise Graf, coordinatrice des droits humains à Amnesty, qui participe demain – le jour où le référendum contre les mesures urgentes de la loi sur l’asile sera déposé à Berne – à un débat au Club 44, à La Chaux-de-Fonds (à 20h15), intitulé «La loi sur l’asile: inhumaine ou adaptée aux problèmes?»
La société civile n’a pas pu prendre part au groupe de travail qui s’est penché sur la nouvelle procédure d’asile. Mais a-t-elle été consultée?
Denise Graf: Elle a été consultée au mois d’octobre alors que le rapport était déjà achevé. Nous avons fait part de notre mécontentement à l’Office fédéral des migrations (ODM) et lui avons envoyé nos critiques sur ce rapport. Celui-ci nous a invités en décembre, en présence de Simonetta Sommaruga, et une nouvelle fois vendredi passé, pour faire part du détail de nos observations. Si nous allons dans le sens de l’ODM sur certains points, nous aurions souhaité un changement de paradigme. Ce n’est pas le cas. Ce rapport parle surtout d’abus alors que la procédure d’asile devrait être un outil permettant de décider qui a besoin de notre protection, pas un instrument de gestion migratoire.
La nouvelle procédure d’asile prévoit trois types de procédures: ordinaire, Dublin et élargie. Quelles sont les critiques de la société civile?
La procédure ordinaire, qui est prévue pour tous les cas où des recherches supplémentaires ne sont pas nécessaires, est surtout considérée par ce rapport comme un moyen de traiter le plus vite possible les dossiers négatifs. Les cas positifs semblent être oubliés, alors que dans le cas des Syriens ou les Erythréens, par exemple, on pourrait prendre une décision immédiate. C’est un mauvais signe. Nous exigeons que les cas négatifs et positifs soient traités prioritairement dans la mesure où il ne faut pas procéder à des mesures complémentaires.
Qu’en est-il des deux autres procédures?
Dans les cas Dublin, la Suisse n’est pas responsable de la procédure d’asile. Le rapport ne prévoit ainsi aucune audition, juste un droit d’être entendu sur le fait qu’un renvoi dans le pays d’enregistrement est envisagé. Nous rendons les autorités attentives que toute la procédure Dublin changera cette fin d’année et qu’il sera dès lors sûrement nécessaire de procéder à une audition plus large qu’aujourd’hui. Nous sommes surpris que le rapport n’inclue pas cet aspect.
Pour la procédure élargie, nous estimons qu’une durée de onze mois est trop longue. En Hollande, ces cas sont traités en six mois. Cela retarde l’intégration, notamment pour les enfants, les jeunes et les personnes traumatisées.
Il est prévu d’introduire une phase préparatoire de vingt et un jours maximum. Qu’en pensez-vous?
C’est positif. On trouve cependant beaucoup d’informations sur ce que les autorités veulent faire durant cette phase et très peu sur ce que les requérants doivent ou pourraient faire de leur côté. Dans le système hollandais, les autorités préparent cette audition en faisant des recherches sur le pays d’origine, sur d’éventuelles demandes d’asile déposées ailleurs, etc. De son côté, le requérant est immédiatement mis en contact avec son avocat et prépare lui aussi sa procédure. Au moment où il fait sa déposition devant les autorités, il connaît ses obligations, a fait des recherches par rapport à ses preuves, a passé un contrôle médical, etc. C’est dans l’intérêt de l’accélération de la procédure que le requérant soit bien préparé. Cela garantit que tous les éléments soient sur la table au moment de l’audition.
L’une des avancées est la création d’une aide juridique…
Le rapport Confédération-cantons prévoit en effet une aide juridique pour les procédures ordinaires et les cas Dublin. C’est un immense pas en avant. Mais celle-ci est retirée pour les cas en procédure élargie après leur audition et leur attribution aux cantons. Cela nous irrite car ces personnes sont celles qui en ont peut-être le plus besoin, car elles doivent se procurer des rapports médicaux, des pièces supplémentaires, etc. Si le dossier est complet au moment de la prise de décision, cela permet d’éviter de perdre du temps avec de fausses décisions.
Pensez-vous que vos critiques seront prises en considération?
Nous avons maintenant un bon dialogue avec les autorités et pensons qu’il est possible de changer un élément ou l’autre. Un groupe d’accompagnement, auquel le HCR prendra part, sera mis sur pied. C’est très positif. Le but pour tout le monde est de parvenir à une accélération de la procédure tout en garantissant qu’elle soit équitable et crédible.
Paru dans Le Courrier le 16 janvier 2013. L’article est consultable online.