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Documentation

Conseil national | « Motion Darbelley » acceptée

Contre l’avis du Conseil fédéral, qui le 14 novembre 2012 a suggéré de la rejeter, le Conseil national a accepté le 17 avril 2013, par 92 voix contre 85 et 12 abstentions, une motion proposée par M. Darbelley (PDC) visant à soumettre préventivement certains requérants d’asile à un test ADN.

Il s’agit de la motion 12.3909: « Effectuer un test ADN sur certains requérants d’asile pour lutter contre la criminalité », dont le texte est reproduit ci-dessous:

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de créer une base légale pour la réalisation d’un test ADN sur certains requérants d’asile.

Développement

Les statistiques policières de huit cantons montrent que la criminalité a doublé depuis le Printemps arabe.

Au premier semestre 2012, plus de la moitié (52 pour cent) des prévenus dans le domaine de l’asile sont des requérants originaires de Tunisie, d’Algérie et du Maroc. Pourtant, ils ne représentent que 6 pour cent des demandeurs en procédure ou déboutés. Afin de prévenir et de lutter efficacement contre la criminalité, il est souhaitable de créer une base légale permettant aux autorités d’effectuer sur les requérants d’asile un test ADN. Plusieurs commandants de police cantonale se sont exprimés en faveur de cette mesure.

Cette mesure, peu onéreuse (200 francs suisses par test, y compris l’enregistrement dans une banque de données), permettra d’identifier avec la plus grande certitude les requérants dans le cadre de la procédure d’asile à proprement parler ainsi que dans les cas de délits ou de crimes. On peut par contre imaginer qu’effectuer ce test peut s’avérer judicieux pour certaines catégories de requérants et inutile pour d’autres. Il est évident que le choix des autorités d’effectuer ou non un test ADN dès l’arrivée en Suisse doit être dicté par une analyse de risque basée sur des critères précis.

Avis du Conseil fédéral du 14.11.2012

Le patrimoine génétique d’une personne ne peut être analysé, enregistré et communiqué qu’avec le consentement de la personne ou en vertu d’une loi (art. 119 al. 2 let. f Cst.; RS 101).

Le prélèvement d’un échantillon d’ADN et son analyse dans le cadre d’une procédure pénale sont régis par le Code de procédure pénale suisse (art. 255-259; RS 312.0) ainsi que par la loi fédérale sur l’utilisation de profils d’ADN dans les procédures pénales et sur l’identification de personnes inconnues ou disparues (RS 363). Ce procédé est utilisé en vue d’élucider des infractions commises (crimes ou délits), en particulier à l’égard de tout suspect. Que la personne soit suisse ou étrangère, requérante d’asile ou non, son profil d’ADN est enregistré dans un système d’informations, pour autant qu’elle n’ait pas été exclue des auteurs potentiels de l’infraction commise. L’établissement d’un profil d’ADN dans une procédure administrative est régi par la loi fédérale sur l’analyse génétique humaine (LAGH; RS 810.12). Cette mesure est prévue lorsqu’il existe des doutes fondés sur la filiation ou l’identité d’une personne qui ne peuvent être levés d’une autre manière. Elle ne peut toutefois être effectuée sans le consentement écrit de la personne concernée (art. 33 LAGH). A la différence de la procédure pénale, il n’existe pas en procédure administrative de système d’informations dans lequel les profils d’ADN sont enregistrés.

Ces exemples montrent que le traitement des prélèvements d’ADN est circonscrit par des limites strictes. L’établissement de profils d’ADN et la sauvegarde de ces données dans un système d’informations constituent une atteinte à des droits fondamentaux de l’individu, notamment au droit à la liberté personnelle et au droit à la protection de la sphère privée (art. 10 et 13 Cst.). De manière générale, les restrictions apportées aux droits fondamentaux doivent remplir les conditions de l’article 36 de la Constitution, c’est-à-dire être formellement prévues par un texte législatif, et être justifiées par l’intérêt public et proportionnées au but visé.

L’auteur de la motion propose de procéder à l’établissement de profils d’ADN, non pas sur des individus suspectés d’un crime ou d’un délit, mais à titre préventif et de manière systématique sur certaines catégories de requérants d’asile, au motif qu’ils pourraient commettre des actes de délinquance après leur arrivée en Suisse. Cette mesure d’identification, de nature policière, est contraire au principe de proportionnalité prévu par la Constitution fédérale (art. 36 al. 3 Cst.). Elle ne peut pas être généralisée à tous les demandeurs d’asile, ni même simplement à un groupe d’individus, en ayant pour seule justification l’augmentation du taux de criminalité dans un domaine particulier. En outre, l’on devrait se demander pourquoi les requérants d’asile devraient être seuls soumis à un prélèvement systématique de leur ADN alors que d’autres groupes de la population ou groupes d’âge chez lesquels on relève un fort taux de criminalité ne le seraient pas.

La Conférence des directeurs cantonaux de justice et police a récemment examiné la question du traitement systématique d’échantillons d’ADN prélevés sur les requérants d’asile et s’y est opposée d’un point de vue juridique et financier.

Pour ces raisons, le Conseil fédéral estime que la demande de l’auteur de la motion est contraire au droit supérieur et qu’il y a lieu de la rejeter.

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