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Notre regard

Informations-pays | Un travail de réseau essentiel

Les lecteurs de Vivre Ensemble ont régulièrement pu lire les «Chroniques Monde» d’Elise Shubs, à l’origine avec d’autres de l’association Country Information Research Centre (CIREC). Créé en août 2008, le CIREC était spécialisé dans la recherche d’informations sur les pays d’origine des migrants. Etait, car faute de moyens, le CIREC a dû se résoudre à suspendre momentanément ses activités début janvier. Pourtant, les recherches menées par le CIREC ont parfois été décisives pour les personnes en demande de protection. Pourquoi? Une demande d’asile est indissociable des événements et informations liées au pays d’origine du requérant. Celui-ci voit souvent sa requête rejetée au motif qu’il n’a pu apporter les preuves de son besoin de protection. Parallèlement, les autorités s’abstiennent généralement de fournir les sources sur lesquelles elles fondent leurs refus. Un manque de transparence critiqué par les bureaux de consultation juridique, ne disposant pas des mêmes moyens ni de temps pour trouver les éléments à l’appui du dossier de leurs clients (lire Vivre Ensemble, n°133, juin 2011). Le CIREC visait à rééquilibrer les choses. Nous leur donnons la parole (réd.).

La fiancée de Monsieur D. décède suite à une fausse couche. Le père de celle-ci ayant juré de le tuer pour venger sa fille, M. D. fuit  l’Angola. Il se rend alors en Suisse où il dépose une demande d’asile, qui sera rejetée. Entre temps, M. D. apprend que le père de son amie a mis ses menaces à exécution et a assassiné ses sœurs restées au pays. Il arrive à se procurer le certificat de décès d’une de ses sœurs, dont l’authenticité est cependant contestée par l’Office fédéral des migrations (ODM). Le juriste en charge du dossier fait alors appel au CIREC afin de faire authentifier le certificat. Le CIREC s’adresse à l’un de ses partenaires de confiance sur place qui réussit à obtenir un document officiel attestant de l’authenticité du certificat de décès. Grâce à ce document M. D. obtient finalement une admission provisoire.

Ce cas illustre l’importance de la recherche d’informations sur les pays d’origine dans la procédure d’asile et des étrangers. Les informations-pays sont particulièrement cruciales lorsque (et c’est le plus souvent le cas) le demandeur part de manière précipitée de son pays et n’apporte pas avec lui les preuves qui lui permettraient de corroborer les persécutions qu’il a subies. Comme dans le cas de Monsieur D., les avocats ou conseillers juridiques, qui manquent généralement de temps ou des compétences spécifiques nécessaires à la réalisation d’une recherche-pays adéquate, pouvaient s’adresser au CIREC. En quatre ans, notre équipe a effectué quelque 167 recherches portant sur 55 pays. Les demandes provenaient principalement de bureaux de consultation juridiques romands et d’avocats privés. Certains nous soutenaient directement, d’autres contribuaient par recherche. Pour ces derniers, en fonction de leurs moyens, nous complétions le financement de l’enquête par des recherches de fonds, permettant d’en réduire le coût. (1)

Le CIREC était la seule structure indépendante des pouvoirs publics en Suisse spécialisée en recherche d’informations sur les pays d’origine. Formée à la recherche-pays, l’équipe du CIREC appliquait des standards de recherche stricts afin de garantir la qualité des informations fournies. Ces standards exigent pertinence, fiabilité, pondération, exactitude, actualité, transparence et traçabilité des sources et des informations. Le CIREC travaillait principalement à l’établissement de profils à risques (conditions de vie pour une personne d’une nationalité, religion, groupe social ou conviction politique particuliers), à la détermination de la disponibilité des soins médicaux (les médicaments ou traitements sont-ils disponibles? Sont-ils accessibles financièrement ? le requérant peut-il se déplacer jusqu’au lieu de soin?…), à la vérification de faits pour corroborer les déclarations du requérant (événements, lieux, us et coutumes, itinéraires empruntés) ainsi qu’à l’authentification de documents.

Par ses contacts à travers de nombreux pays, comprenant professionnels (médecins, journalistes, avocats), personnels d’ONG locales ou d’organisations internationales, ou experts sur des thématiques particulières (professeurs d’université, chercheurs,…), le CIREC avait accès à des informations précises et objectives provenant de sources fiables et souvent présentes sur le terrain. L’équipe du CIREC basait aussi ses recherches sur des sources publiques. A la fin de la recherche, le CIREC établissait un rapport personnalisé à l’intention de son mandataire. Dans un souci d’indépendance, le CIREC ne prenait jamais position ni n’avançait de conclusion sur le cas.

Le mandat principal du CIREC était de garantir un accès à des informations-pays de qualité pour tous les acteurs de la procédure, afin de garantir l’égalité des moyens et des chances.

Elise Shubs et Stéphanie Cornioley

Mme S. et sa fille sont originaires du Sri Lanka. D’origine tamoule, elles vivaient dans le nord du pays pendant la guerre entre le gouvernement et les Tigres Tamouls (LTTE). Les deux femmes ont fui leur pays après avoir subi des menaces et des violences de la part de la police srilankaise qui exigeait des renseignements sur les autres membres de la famille. En effet, l’une des filles de Mme S. avait rejoint le LTTE et une autre était mariée à un homme qui avait suivi leurs entraînements. La mandante des requérantes a sollicité une recherche du CIREC. La recherche devait établir si les persécutions antérieures étaient rendues caduques par la fin du conflit, évaluer la situation générale suite à la cessation des hostilités, déterminer les risques spécifiques encourus pour des personnes ayant le profil des requérantes, ainsi que les possibilités pour les requérantes de se réinstaller dans une autre région du pays. Les informations du CIREC ont été transmises à l’ODM qui, après plus de quatre ans de procédure, a finalement accordé l’asile aux deux requérantes.