ODAE romand | Une femme afghane seule avec 4 enfants doit faire recours pour obtenir l’asile
« Nahid » et ses quatre enfants demandent l’asile en Suisse. Leur demande est rejetée par l’Office fédéral des migrations (ODM), qui dans un premier temps suspend l’exécution du renvoi avant de juger que le retour à Kaboul est exigible. Sur recours, le TAF reconnaît pourtant la vraisemblance des motifs d’asile.
Cas publié par l’ODAE romand, le 24 juillet 2013. Cliquez ici pour voir la fiche complète.
Résumé du cas
En 2009, « Nahid » et ses quatre enfants demandent l’asile en Suisse après avoir fui Kunduz, en Afghanistan. Persécutée pour son activité d’enseignante, « Nahid » a vu son mari être enlevé par les Talibans, qui ont également tué leur fille de 8 ans avant de chercher à enrôler l’aîné. Début 2010, l’ODM rejette leur demande d’asile, estimant que « Nahid » et ses enfants auraient pu se réfugier à Kaboul, mais leur octroie l’admission provisoire « au vu de [leur] situation familiale ». Recourant auprès du TAF, « Nahid » demande qu’on lui reconnaisse le statut de réfugiée. Invité par le TAF à se prononcer en septembre 2011 et janvier 2012, l’ODM maintient son opposition à octroyer l’asile et considère désormais que « Nahid » peut raisonnablement se rendre à Kaboul et y trouver un emploi, puisqu’elle bénéficiera du soutien de proches et de la protection des troupes. De son côté, la mandataire de « Nahid » insiste sur la péjoration sécuritaire du pays, la vulnérabilité des femmes et l’incapacité des autorités à protéger les civils. Elle souligne aussi qu’entre-temps les proches de « Nahid » ont quitté le pays. Début 2013, le TAF annule la décision de l’ODM, estimant que le récit de « Nahid » est « crédible, cohérent, et suffisamment détaillé » et qu’elle craint à juste titre d’être persécutée par les Talibans. En outre l’ODM, qui n’avait pas pris la peine de contester la vraisemblance des motifs d’asile par « économie de procédure », se fait rappeler à l’ordre par le TAF. Quant au renvoi à Kaboul, le Tribunal rappelle qu’il n’est exigible que pour les jeunes hommes en bonne santé bénéficiant d’un solide réseau social (ATAF 2011/7 du 16 juin 2011). Le TAF souligne encore l’incohérence de l’ODM, qui leur avait accordé une admission provisoire avant de considérer, suite au recours, que l’exécution du renvoi est exigible, sans pour autant lever cette autorisation. Les juges relèvent que « pareille incohérence ne peut qu’affaiblir encore l’argumentaire » de l’Office et l’invitent à octroyer l’asile à « Nahid » et à ses enfants.
Questions soulevées
Comment l’ODM peut-il considérer comme raisonnable un retour à Kaboul, alors que l’insécurité y est patente et que « Nahid » est une femme seule avec quatre enfants ? L’Office peut-il faire comme s’il ignorait la jurisprudence du TAF de juin 2011, selon laquelle le renvoi à Kaboul n’est exigible que pour les hommes jeunes et en bonne santé, ayant un solide réseau social ?
Peut-on admettre que l’ODM renonce à se prononcer sur la vraisemblance des motifs d’asile d’une femme afghane « par économie de procédure » ? Par de telles économies l’ODM ne met-il pas en danger l’essence même du droit d’asile ?