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MyEurope | Après Lampedusa, Rome pourrait abolir le délit de clandestinité

Après la tragédie de Lampedusa, le gouvernement italien pourrait abolir le délit de clandestinité. Mais les ministres de droite s’y opposent. Quant à la prise en charge des migrants, ce doit être non plus un problème national, mais européen.

Article d’Ariel Dumont paru sur le site MyEurope.info, le 9 octobre 2013. Cliquez ici pour lire l’article sur le site MyEurope.info.

Les cercueils sont insuffisants comme les hangars de l’aéroport transformés en morgues. Les habitants et les survivants du drame de Lampedusa n’ont plus assez de larmes face aux hommes grenouilles qui remontent ponctuellement à la surface des cadavres aux yeux ouverts et aux mains suppliantes tendues vers le ciel.

Faut-il continuer dans la voie de la répression ou assouplir les normes en vigueur pour éviter d’autres drames? C’est la question que se pose aujourd’hui le gouvernement d’unité nationale qui devrait examiner la loi sur l’immigration adoptée en 2002 par le cabinet de Silvio Berlusconi.

Plus connue sous le nom de dispositif « Bossi-Fini » puisqu’elle avait été concoctée par le patron de la Ligue du Nord, Umberto Bossi et celui de l’Alliance Nationale, Gianfranco Fini, cette loi est particulièrement répressive. Sous couvert de décourager les candidats au faux rêve européen, ce dispositif avait introduit le délit de clandestinité et celui de « solidarité ».

La droite accuse la Libye

En clair, cela veut dire que les personnes aidant les clandestins peuvent être poursuivies au même titre que les migrants. D’où l’attitude des pêcheurs de Lampedusa qui ont eu peur d’intervenir lorsque le bateau transportant 500 clandestins a pris feu à moins d’un kilomètre du rivage.

Les démocrates (Parti démocrate de centre gauche, Ndlr) et leur ministre de l’Intégration, l’italo-africaine Cécile Kyenge, réclament l’abrogation de ce délit de clandestinité et de solidarité. Ils souhaitent aussi introduire une révision des conditions d’accueil et des quotas d’entrées. Inacceptable pour la droite berlusconienne pour laquelle un assouplissement du dispositif ouvre la porte au droit du sol proposé par Cécile Kyenge.

Du coté de la Ligue du Nord, pas question de modifier la loi. « Le vrai problème, c’est que les pays avec lesquels nous avons souscrit des accords pour combattre le départ des bateaux de la mort ne font rien » affirme Roberto Maroni, ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement Berlusconi et numéro un du parti.

Une thèse corroborée par le récit des survivants, interrogés par les autorités dans le centre d’accueil de Lampedusa.

J’ai versé 4.800 dollars à un intermédiaire d’origine éthiopienne qui travaillait pour une organisation libyenne. Elle dispose de centres d’accueil où sont entassés les candidats au départ pendant plusieurs semaines. Ils sont ensuite entassés dans des camions militaires et emmenés sur la plage où ils montent dans des bateaux sous la surveillance de gardes armés jusqu’aux dents »

témoigne un survivant.

La Sicile ouvre ses cimetières

En attendant que le parlement examine ce dossier épineux, Rome a saisi Bruxelles. L’Italie a demandé à l’Union européenne de l’aider dans la prise en charge des migrants et la gestion de la lutte contre les trafiquants d’êtres humains.

Le message est clair: il faut en finir avec le règlement européen de « Dublin 2 » isolant l’Italie en responsabilisant le premier pays d’accueil du demandeur d’asile. Une sacrée épine pour la péninsule devenue la principale porte d’entrée en Europe pour les clandestins venant d’Afrique.

Rome demande aussi à ses partenaires européens de renforcer la présence sur les côtes italiennes, notamment à Lampedusa, de l’agence européenne Frontex chargée de la surveillance et du contrôle des frontières extérieures des Etats de l’UE.

Frontex s’est contentée d’annoncer ce matin le déblocage en urgence 2 millions d’euros supplémentaire pour l’Italie.

Nous avons dû racler nos fonds de tiroir »

a expliqué le patron de l’agence, Gill Arias qui explique que, pour 2013, les fonds de l’agence sont « épuisés ». Frontex n’a pas de moyens propres, et son budget a été réduit par Bruxelles au nom de l’austérité imposée par la crise.

La commissaire européenne chargée des Affaires intérieures, Cecilia Malmström, s’est engagée à demander au plus vite aux pays de l’UE une contribution suplémentaire pour renflouer le budget de Frontex, réduit à 85 millions en 2013 contre 118 millions d’euros en 2012.

Mais pendant que l’Italie et l’Union européenne s’interrogent, les débarquements de clandestins continuent. Depuis le début de la semaine, quelque cent cinquante clandestins ont essayé de débarquer en Sicile. Face à ce drame, la société italienne et les entreprises se mobilisent.

L’électricien Enel a offert 500 millions d’euros à la mairie de Lampedusa pour participer à la prise en charge des clandestins. Et les cimetières de toute la Sicile ont offert des lopins de terre pour enterrer les noyés.