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Documentation

ODAE romand | Fragilisée par les violences conjugales, elle est renvoyée après 11 années en Suisse

Après de longues années de violences conjugales reconnues, « Sibel », arrivée en Suisse en 2002, se voit refuser le renouvellement de son permis. On lui reproche un manque d’intégration, pourtant lié au contrôle exercé par son mari ainsi qu’à sa fragilité psychique résultant des violences subies.

Cas publié sur le site de l’ODAE romand, le 7 octobre 2013. Cliquez ici pour lire la fiche complète.

Résumé du cas

« Sibel », ressortissante turque, épouse en 2002 un compatriote titulaire d’un permis C et obtient une autorisation de séjour. En 2003, elle est hospitalisée à deux reprises suite aux violences que lui inflige son époux. Sous pression de celui-ci et de la communauté turque, elle suspend les plaintes pour violences et reprend la vie commune. En octobre 2004, elle met au monde « Esra ». Suite à une reprise des violences, « Sibel » quitte à nouveau son époux et celui-ci est condamné pour lésions corporelles répétées et menaces. Cependant les pressions qu’elle-même et ses parents en Turquie doivent endurer la conduisent à reprendre, une fois encore, la vie commune fin 2007. En 2009, elle quitte définitivement son mari, mais demeure fortement affectée par les violences subies et par son isolement au sein de sa communauté. Elle souhaite repartir sur de nouvelles bases dans le canton de Fribourg, où elle a quelques connaissances, mais sa demande de changement de canton est refusée. En 2012, « Sibel » sollicite le renouvellement de son permis en Valais. Le SPM s’y oppose au motif qu’elle dépend de l’aide sociale (art. 62 LEtr). Avec l’aide d’une mandataire, « Sibel » fait recours. Elle invoque l’intensité des violences conjugales qu’elle a subies pendant plusieurs années, constituant à elles seules une raison personnelle majeure au sens de l’art. 50 al. 1 b et al. 2 LEtr. En effet, comme souvent, son manque d’intégration est dû précisément aux violences et aux conséquences de celles-ci sur le plan psychique. À cet égard, une demande de prestations de l’assurance invalidité est en cours. De plus, sa réintégration au Kurdistan turc serait fortement compromise en tant que femme divorcée. Quant à sa fille « Esra », au bénéfice d’un permis C, elle serait privée de relation effective avec le père. Enfin, le suivi et le traitement psychiatriques de « Sibel » ne seraient pas accessibles dans son pays. Le recours est en suspens.

Questions soulevées

  • En exigeant des victimes de violences conjugales qu’elles soient rapidement autonomes financièrement, n’impose-t-on pas le cumul de deux conditions difficilement compatibles, à savoir être victime de violence ET faire preuve d’une bonne intégration, outrepassant ainsi la loi d’après laquelle l’une d’entre elles suffit (art. 50 LEtr) ?
  • Un retour en Turquie, compte tenu de la fragilité psychique de « Sibel » et du rejet social qui l’y attend, ne risque-t-il pas de compromettre le développement de sa fille « Esra », âgée de 9 ans ? L’intérêt supérieur de l’enfant, qui selon l’art. 3 CDE doit guider l’administration dans toutes ses décisions affectant des mineurs, est-il correctement pris en compte dans la situation d’« Esra » ?