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Le journal Gauchebdo a publié un article de Joël Depommier sur notre dernier hors-série « Du droit d’asile à la gestion du stock humain« , le 1er décembre 2013. Cliquez ici pour lire l’article sur le site de Gauchehebdo.

L’asile comme peau de chagrin

L’association Vivre Ensemble sort une brochure rédigée par l’avocat et militant lausannois Christophe Tafelmacher pour expliquer 30 ans de démantèlement du droit d’asile en Suisse.

Vivre ensemble, l’association de soutien aux réfugiés qui réalise un travail de documentation et d’information sur le thème de l’asile, vient de sortir une brochure en hors-série intitulée Du droit d’asile à la gestion de stock humain. Rédigé par l’avocat lausannois Christophe Tafelmacher, le texte revient sur plus de 30 ans de politique d’asile en Suisse. Un thème d’actualité alors que le peuple a approuvé en juin de nouvelles restrictions comme la fin du droit de déposer une demande d’asile dans les ambassades suisses à l’étranger et au moment où la procédure de consultation sur les mesures d’accélération des procédures voulue par Simonetta Sommaruga vient de se clore. Un résumé d’autant plus important que les révisions de la loi sont touffues.

Valse des réformes

C’est en 1981 qu’entre en vigueur la première Loi sur l’asile « dans un climat encore à l’ouverture », mais rapidement de multiples révisions vont voir le jour « qui viseront une sorte de droit d’exception pour la procédure d’asile et la marginalisation sociale des requérants », explique l’avocat. Dès 1983, de nouvelles clauses sont ainsi introduites pour rejeter les demandes « manifestement infondées ». En 1984, on interdit aux requérants de travailler dans les premiers mois de leur arrivée. En 1986 est adoptée une nouvelle révision « déjà pour accélérer les procédures ». L’enregistrement des demandes se fera désormais dans des centres fédéraux, suivi d’une attribution à un canton selon une répartition proportionnelle. « Idée louable en soi, mais qui sera rapidement source de chicanes », note le texte. Autre notion amenée à prospérer, la détention en vue du refoulement permet la privation de liberté pour des motifs purement administratifs. Malgré un référendum, la loi est adoptée.

La valse des réformes s’accélère sous l’impulsion de l’UDC et de la droite. En 1990, les chambres fédérales adoptent un arrêté fédéral urgent qui crée la clause de non-entrée en matière (NEM). En 1991, l’assistance financière pour les demandeurs d’asile est fixée à peu près à la moitié du minimum vital reconnu pour les Suisses. Et cela continue de plus belle. Dès 1995, les autorités n’entrent plus en matière pour les demandes de personnes incapables de présenter un document d’identité, entrées illégalement en Suisse ou qui ne se sont pas annoncées immédiatement aux autorités.

En 1998, une révision totale de la loi est adoptée sous Arnold Koller. Celle-ci déplace des auditions et des décisions, y compris celles sur les motifs d’asile de plus en plus vers les centres d’enregistrement des requérants d’asile. Fin 2003, sous prétexte de nouvelles économies budgétaires, la ministre démocrate-chrétienne Ruth Metzler propose au Parlement d’introduire un nouvel article dans la LAsi excluant de l’aide sociale déjà minimale les personnes frappées de NEM. Fin 2005, le Parlement adopte de nouvelles dispositions qui étendent l’exclusion de l’aide sociale à toutes les personnes déboutées de l’asile et les clauses de non-entrée en matière sont durcies, visant les requérants qui sont passés par un Etat tiers considéré comme « sûr », des mesures pérennisées par l’accord d’association de Dublin-Schengen en 2008.

Sommaruga veut une nouvelle accélération des procédures

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Simonetta Sommaruga a lancé une nouvelle révision de la loi, scindée en deux paquets. Lors de la session de septembre 2012, l’Assemblée fédérale a adopté le premier paquet de la loi, avec notamment la suppression du dépôt de demande dans les ambassades ou la création de centres pour « récalcitrants », ce qui a été contesté par un référendum défait dans les urnes en juin 2013. En décembre 2012, un deuxième paquet est adopté, sans référendum. La procédure de non-entrée en matière sera désormais réservée uniquement aux « cas Dublin ». Pour les autres motifs de NEM, une nouvelle procédure matérielle rapide est instaurée. Les activités politiques en Suisse sont aussi interdites aux demandeurs d’asile. De surcroît, en mars 2013, le Conseil national adopte encore de nouvelles restrictions comme une motion PDC visant à établir des profils ADN à titre préventif pour certaines catégories de requérants, tels les jeunes Maghrébins. Finalement, en juin 2013, la ministre socialiste a mis en consultation son projet de « restructuration du domaine de l’asile ». Celui-ci présente les nouvelles dispositions légales qui visent l’objectif de mener 60% des procédures d’asile dans des nouveaux centres de la Confédération et d’aboutir à une décision exécutoire dans un délai maximal de 140 jours, exécution du renvoi comprise.

L’asile, laboratoire du démantèlement social

Pour Christophe Tafelmacher, la multiplication de ces décisions expéditives pose problème. La création de camps pour « récalcitrants », la privatisation de certaines tâches dévolues à la Confédération ou la suppression de l’aide sociale aux déboutés vont dans le sens d’un Etat de plus en plus autoritaire et font de l’asile le « laboratoire du démantèlement social ». Ce qui concerne tout le monde.