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Documentation

France Inter | Les camps de réfugiés érythréens en Ethiopie

Un reportage de Grégoire Pourtier, dans le camp d’Adi Arush, en Ethiopie 

Kibron, réfugié érythréen :

Je suis devenu soldat à 16 ans. J’ai ainsi servi mon pays pendant plus de vingt ans. Mais j’ai senti la dérive dictatoriale et au niveau économique, tout le monde souffre. Je n’ai pas eu d’autre choix que de m’enfuir.

Camp de réfugiés d’Adi Arush, en Ethiopie © Grégoire Pourtier – 2014

Kibron est actuellement réfugié dans le nord de l’Ethiopie après avoir fui son pays d’origine, l’Erythrée. Un pays au régime dictatorial et à la situation économique extrêmement précaire : deux raisons qui poussent des milliers de personnes à passer clandestinement la frontière chaque année.

La moitié des migrants qui fuient l’Erythrée s’arrêtent en donc Ethiopie, où ils sont plus de 2.000 chaque mois à intégrer les camps. 

Nous sommes rendus dans le camp d’Adi Arush, accueillant plus d’un tiers des 60.000 réfugiés érythréens de la zone. 

 

Les maisonnettes en brique sont identiques et parfaitement alignées. Loin des images de tentes aux couleurs du Haut Commissariat aux Réfugiés, le camp d’Adi Arush ressemble bien davantage à une ville.

Restaurants, épiceries, écoles, terrains de sport… Il fonctionne d’ailleurs comme tel, réalité imposée par l’exode continu des Erythréens depuis plusieurs années.

A la différence des Soudanais ou des Somalis qui, plus au sud, arrivent souvent en famille, la plupart des migrants sont ici de jeunes hommes célibataires.

Moses Hokelo, du Haut Commissariat aux Réfugiés :

La majorité reste en Ethiopie. Nous ne pensons pas que ce soit simplement une étape sur la route d’un autre pays. Ils débarquent ici en espérant trouver aide et protection, et le gouvernement éthiopien leur a ouvert ses portes. Mais bien sûr, il y en a certains qui sont tentés de continuer vers une autre destination, parce qu’ils espèrent y rejoindre de la famille, ou dans l’idée de trouver de meilleures opportunités.

L’objectif affiché est de freiner ces velléités en offrant, ici, les meilleures conditions de vie possible.

Militaire pendant 20 ans, Kebron a déserté il y a quelques mois :

Nous sommes conscients des efforts faits pour nous, mais c’est loin d’être suffisant. La ration mensuelle de nourriture qui nous est allouée n’est pas adaptée, notamment pour les personnes âgées, les enfants ou les femmes enceintes. Nous avons fui notre pays parce que nous n’avions pas le choix, pas pour bénéficier d’avantages. Nous ne pouvons pas rentrer chez nous, donc il faut améliorer les conditions ici, même si beaucoup voudraient surtout être envoyés dans un pays riche.

Moins d’un millier de visa pour l’Europe ou les Etats-Unis est délivré chaque année. Alors quelle solution ?

Dans l’immédiat, retourner en Erythrée est impossible.

S’implanter dans le tissu local est une option, mais les opportunités restent rares.

Le camp héberge aussi des centaines de mineurs non-accompagnés, des enfants de moins de dix ans ayant même déjà débarqués seuls. Ils sont réunis et scolarisés, notamment grâce à l’organisation norvégienne NRC, pour laquelle travaille Anna :

Quand ils sont ici, nous leur disons surtout de se concentrer sur leurs études. Evidemment, il est important de chercher une solution durable, mais en attendant, ils doivent essayer de bien vivre. Ensuite, au cas où ils seraient effectivement amenés à passer toute leur existence ici, nous souhaitons vraiment qu’ils puissent être autonomes. Nous avons donc mis en place des formations professionnelles, car trouver un emploi serait une porte de sortie idéale.

En attendant, c’est l’énergie du désespoir qui prévaut. Car ce qui manque le plus, ce sont bien les perspectives d’avenir.