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Livre | Pas de Printemps pour la Syrie

[caption id="attachment_13290" align="alignright" width="193"]Couverture du livre Couverture du livre[/caption]

Résumé de l’éditeur :

Depuis le déclenchement en mars 2011 de la révolte syrienne, sa brutale répression par le régime de Bachar el-Assad et la guerre civile internationalisée qui a suivi ont fait des dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés. Bouleversant la lecture des transitions démocratiques arabes, ce conflit affecte également les équilibres d’une région stratégique. Cette nouvelle « guerre sans fin », alimentée par les jeux cyniques des grandes puissances et des États régionaux, se révèle d’autant plus malaisée à décrypter qu’elle fait l’objet de toutes sortes de désinformations.
C’est dire l’importance de cet ouvrage, qui réunit les contributions de vingt-huit spécialistes, membres ou familiers de l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo) et fins connaisseurs de la Syrie et de la région. De façon très accessible et en privilégiant les informations recueillies au plus près des acteurs, ils apportent des clés indispensables pour comprendre les racines historiques et les ressorts politiques, économiques et idéologiques de la crise. Non sans exprimer des sensibilités différentes, échos de la diversité des réactions face à ce drame. Certains, qui avaient très tôt pointé les risques de dérives sectaires et d’instrumentalisation de la révolte par des puissances étrangères, craignent pour la Syrie un avenir d’« irakisation ». D’autres, sans écarter une telle issue, espèrent que l’extrémisme d’activistes des deux camps n’empêchera pas l’émergence d’une société civile capable de résister aux sirènes de la division confessionnelle ou du radicalisme islamiste.
Un livre indispensable pour en finir avec les simplifications sur la tragédie syrienne, et mieux percevoir ce que vivent ses acteurs et ses victimes.

Extrait (tiré du site Les carnets de l’Ifpo):

Des impacts politiques internes contrastés

La crise syrienne a affecté la stabilité politique de la Jordanie de différentes manières, en premier lieu avec l’évolution des rapports entre Jordaniens et réfugiés syriens. À partir de l’été 2012, l’élan initial d’entraide en leur faveur, fondé sur un sentiment de solidarité mêlé à une hostilité au régime de Damas, a fait peu à peu place à une exaspération grandissante due au caractère permanent de leur présence et ses impacts négatifs sur les conditions de vie des Jordaniens (selon un sondage national effectué en septembre 2012, 65 % des Jordaniens se prononçaient contre la poursuite de l’accueil des réfugiés syriens). À Mafraq, cette proportion s’élevait à 88 % (Center for Strategic Studies, 2012). Jusqu’à l’été 2013, les heurts entre ces derniers et les réfugiés sont restés circonscrits à des escarmouches dans les villes de Mafraq et Ramtha principalement. Mais au printemps, les autorités ont tiré la sonnette d’alarme devant l’afflux de nouveaux réfugiés et il était désormais question de rendre plus difficile l’installation des réfugiés dans les villes, voire de fermer la frontière ; en juin, un camp, financé par les Émirats arabes unis, a d’ailleurs été installé à Mreijib al-Fhoud (gouvernorat de Zarka) afin de désengorger celui de Zaatari. En outre, c’est aussi la politisation des réfugiés, en particulier leur adhésion à un islamisme radical, qui inquiète. La perspective du retour au pays des quelques centaines de Jordaniens engagés auprès de groupes rebelles djihadistes en Syrie, tels Jabhat al-Nosra, n’a fait qu’accroître ces inquiétudes : les Jordaniens gardent en mémoire les attentats perpétrés à Amman en 2005 par Al-Qaida en Irak, une organisation alors dirigée par le Jordanien Moussab al-Zarkawi, et qui avaient fait une soixantaine de morts.

En revanche, les débats parfois virulents entre partisans du régime baasiste, dont certains partis de gauche, et sympathisants des rebelles, au premier rang desquels les Frères musulmans, n’ont pas dégénéré en violence armée, comme cela a été le cas au Liban. Cela peut s’expliquer par l’homogénéité des Jordaniens, sunnites en grande majorité, face à un conflit devenu en partie confessionnel (alaouites/chiites contre sunnites). Par ailleurs, de nombreux soutiens de la rébellion ont été échaudés par la montée en puissance des djihadistes en son sein. Ce reflux et, de manière plus générale, l’essoufflement du printemps arabe au Moyen-Orient ont contribué à asseoir le pouvoir de la monarchie jordanienne, elle aussi mise en cause en 2011.

L’auteur:

François Burgat, politologue, est directeur de recherches au CNRS (IREMAM, Aix-en-Provence), a été directeur de l’Ifpo de mai 2008 à avril 2013. Il est notamment l’auteur de L’Islamisme au Maghreb: la voix du Sud (Karthala, 1988 ; Payot, 1995, 2008), de L’Islamisme en face (La Découverte, 1995, 2002, 2007) et de L’Islamisme à l’heure d’Al-Qaida (La Découverte, Paris, 2005, 2010).

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