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Global detention project | Irlande: nouveau profil

Profil publié par le Global detention project en janvier 2014. Cliquez ici pour lire le profil complet.

Irlande

Introduction

Les schémas migratoires de l’Irlande ont considérablement changé au cours des dernières années, reflétant l’évolution de la situation économique du pays. Dans les années 1990, le boom économique avait stimulé une hausse de la migration dans le pays, alors qu’il avait traditionnellement été un pays producteur de migrants. Le pays a également connu une croissance rapide du nombre de demandeurs d’asile au cours de cette période, passant de 362 en 1994 à un sommet de 11’634 en 2002 (DoJ 2008) .

Plus récemment, cependant, les difficultés économiques de l’Irlande ont conduit un nombre croissant de personnes à quitter le pays. En 2012, le nombre annuel d’émigrants a augmenté de 240% d’un minimum de 26’000 en 2002 (Gilmartin 2012). Selon une estimation, d’ici à 2015, le nombre annuel d’émigrants pourrait atteindre « 200’000 personnes, dans un pays de 4,5 millions d’habitants, si les perspectives d’emploi ne s’améliorent pas » (McKittrick 2010).

Parmi ceux qui quittent le pays il y a des milliers d’Européens de l’Est ainsi qu’un nombre significatif de jeunes citoyens irlandais. Comme le note un observateur: «Parmi ceux qui quittent il y a des migrants qui sont arrivés en grand nombre à partir de l’Europe continentale au cours de la dernière décennie et qui, maintenant sans emploi, sont de retour à la maison. Mais il y a aussi un grand nombre de jeunes hommes irlandais qui, avec un taux de chômage à plus de 13%, voient peu de chances de trouver du travail. Le retour des niveaux élevés d’émigration est l’un des nombreux facteurs négatifs dans un pays qui se considère parmi les plus durement touchés par la récession » (McKittrick 2010).

Malgré les inquiétudes concernant la «fuite des cerveaux» et d’autres conséquences négatives liées à la re-transformation de l’Irlande en un pays d’immigration, le pays a poursuivi une politique d’expulsion agressive. Ainsi, alors que le nombre de demandes d’asile a diminué de façon constante depuis 2002 (diminution de 10’938 en 2000 à 1250 en 2011), le nombre de personnes contraintes à quitter le pays n’a cessé d’augmenter. En 2008, 1285 personnes ont reçu un ordre de renvoi; en 2012, ce nombre était passé à 2065 (Eurostat).

Les pratiques d’expulsion de l’Irlande ont fait l’objet de décisions judiciaires importantes au niveau européen. Dans une décision de 2011, la Cour de justice de l’ Union européenne ( CJUE 2011) a statué sur deux affaires distinctes (NS et ME) en ce qui concerne les expulsions de demandeurs d’ asile en provenance de l’Irlande et du Royaume-Uni vers la Grèce dans le cadre du règlement Dublin II. Selon le tribunal, l’Irlande et le Royaume-Uni ne pouvaient pas expulser des personnes vers ce pays.

Les dispositions de l’Irlande pour les demandeurs d’asile ont également été examinées à plusieurs reprises. En 2011, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a fait remarquer que, malgré une diminution du nombre de demandeurs d’asile dans le pays, le taux de reconnaissance du statut de réfugié de l’Irlande était exceptionnellement faible. Selon le rapport, «en 2010, le nombre total de nouvelles demandes de statut de réfugié s’élevait à 1939, soit une réduction significative par rapport aux années précédentes. En 2010, les autorités ont reconnu à 160 demandeurs d’asile le statut de réfugié et donné la protection subsidiaire à deux personnes. Le taux de reconnaissance est particulièrement faible par rapport aux autres États membres de l’UE » (HCR 2011).

Plus récemment, en août 2013, la Haute Cour d’Irlande du Nord a déclaré que les autorités de l’immigration du Royaume-Uni ne pouvaient pas retourner une famille soudanaise vers la République d’Irlande en vertu de Dublin II, parce que les conditions du système d’hébergement des réfugiés dans la République étaient insuffisantes pour garantir le meilleur intérêt des enfants. Commentant l’affaire, le chef du Irish Refugee Council (IRC) a déclaré: «Cette décision est triste, mais précise, elle démontre qu’en Irlande le système d’asile ne parvient pas à protéger les intérêts des enfants. La réalité est que les demandeurs d’asile peuvent vivre de façon indépendante en Irlande du Nord, tandis qu’à quelques miles de la frontière ils sont contraints de vivre dans un état de pauvreté institutionnalisé » ( IRC 2013) .

Bien que le pays détient seulement un petit nombre de personnes chaque année, son régime de détention des immigrés a été à plusieurs reprises l’objet de critiques. Selon l’administration pénitentiaire irlandaise, seulement 385 personnes ont été arrêtées en 2012, et 395 en 2011. Pendant cette période, le nombre quotidien moyen de détenus migrants était de huit (IPS 2012).
Les organisations de défense des droits de l’homme ont à plusieurs reprises pointé du doigt l’Irlande pour son utilisation de la détention à des fins de politique migratoire. Sa façon d’utiliser les prisons la place au même niveau qu’un petit nombre de pays de l’aire UE/Schengen, qui inclut notamment l’Allemagne et la Suisse.

À la fin 2013, l’Irlande n’avait pas encore défini un centre de détention spécialement conçu, même si le Comité du Conseil de l’Europe pour la prévention de la torture (CPT), de même que d’autres organisations légales, ont à plusieurs reprises fait pression sur elle pour qu’elle le fasse. Assez étonnamment, dans son rapport lors de sa visite en Irlande en 2011, le CPT a négligé de donner suite à son avis antérieur concernant les lieux de détention appropriés, omettant de mentionner la question tout court. Toutefois, le comité a souligné nombreuses lacunes dans plusieurs prisons, qui sont également utilisées à des fins de détention de migrants. En particulier, le CPT a souligné les niveaux élevés de violence entre détenus dans certains établissements; des problèmes avec la fourniture des soins de santé à Cork et dans la prison de Mountjoy; la surpopulation et les conditions de vie déplorables dans le système carcéral; et des problèmes liés aux procédures et les contacts avec le monde extérieur (CPT 2011).

(traduit de l’anglais par Cristina Del Biaggio)