Incendie au foyer des Tattes: Quand la comm’ déconne
A propos de l’incendie au foyer des Tattes, retour sur deux interventions du Comptoir des médias:
Incendie des Tattes | Une tragédie qui touche les personnes les plus marginalisées
Quand la comm’ déconne
«Tous des hommes seuls, déboutés de l’asile». Pourquoi l’Hospice général a-t-elle tenu à préciser le statut des victimes de l’incendie qui a ravagé un bâtiment du foyer des Tattes, à Genève, a provoqué la mort d’un homme et en a laissé deux paraplégiques? Une information qui a été répétée en boucle dans quasiment tous les médias et qui de fait est fausse: le bâtiment touché par les flammes hébergeait des hommes en procédure d’asile. Le jeune homme érythréen décédé et certains des blessés étaient en attente d’une décision sur leur demande de protection.
Mais l’Hospice général les a affublé d’un statut inventé pour l’occasion, celui de «N Dublin» (v. notamment dans le communiqué de presse de l’Hospice général du 19 janvier 2015). Un terme qu’ils traduisent par demandeur d’asile «suspecté Dublin». Ce qui signifie que la personne est possiblement entrée par un autre pays membre de Dublin, et que cet autre Etat devrait, selon le Règlement Dublin, examiner leur demande d’asile. Si l’Hospice ignore que le terme juridique «débouté» s’applique aux personnes dont la demande de protection a abouti à un rejet, comment demander aux journalistes de démêler le vrai du faux…?
Suite à notre intervention auprès des médias, et en particulier auprès de l’Agence de presse ATS, qui a une forte caisse de résonance, l’erreur a été corrigée.
Quand la comm’ déconne (bis)
Toujours suite à l’incendie, le directeur de l’Hospice, Christophe Girod, interviewé dans La Tribune de Genève, relevait la forte «densification» des bâtiments touchés par l’incendie. «683 personnes cohabitent actuellement dans ce centre, conçu pour en accueillir 600. La demande dans le domaine de l’immigration ne cesse d’augmenter. En 2013, 25’000 requérants sont arrivés en Suisse, et on a recensé tout autant d’entrées au cours des huit premiers mois de cette année.» Pratique, la rengaine de la hausse des demandes d’asile. Sauf qu’en 2013, le nombre de demandes atteignait 21’465 demandes, et qu’à fin août, on en dénombrait un peu plus de 15’000.
Quant au centre des Tattes, si, à l’origine, il accueillait 600 saisonniers, des transformations avaient été entreprises pour le transformer en foyer pour demandeurs d’asile: cent places avaient été supprimées pour y installer des sanitaires, cuisines et buanderies. Autrement dit, il était conçu pour 500 personnes. Certains bâtiments, dont celui touché par l’incendie, ont récemment été transformés pour y concentrer les personnes à l’aide d’urgence: la capacité des chambres est passée de 2 à 4. Mais Monsieur Girod ne se plaint pas. L’Etat «nous donne les moyens pour remplir notre mission d’hébergement» (sic!).
Suite à notre intervention auprès de la Tribune de Genève, le porte-parole de l’Hospice a reconnu que les chiffres du nombre de demandes d’asile étaient faux, qu’ils avaient été énoncés «dans le feu de l’action» et qu’il avait oublié d’envoyer les bons chiffres à la journaliste. Sauf que du coup, l’argumentation du directeur ne tient pas… et qu’il y a forcément une autre explication à donner au problème de « surdensité » que la facile hausse des demandes d’asile. En 2012, on recensait plus de 28’000 demandes d’asile au niveau Suisse. Contre 20’540 à fin octobre 2014.
Sophie Malka