RESI-F | Réseau interculturel d’échanges de savoirs pour les femmes
Ce printemps, deux anniversaires de 20 ans ont affirmé avec panache la force de la solidarité. En mai, à la Maison de quartier de la Jonction, à Genève, plus d’une centaine de femmes originaires de toutes les régions du monde fêtait les 20 ans d’existence du Réseau interculturel d’échanges de savoirs pour les femme (RESI-F). Quelques jours plus tard, Maryann Wangui, réunissait toutes celles et tous ceux qui se sont trouvé-e-s là à son arrivée en Suisse, et qui l’ont accompagnée ou soutenue jusqu’à aujourd’hui pour trouver une place bien méritée.
Le Réseau interculturel d’échanges de savoirs pour les femmes, activité offerte par le centre F-Information a été créé en 1994 par une équipe issue du Groupe d’accueil des requérant-e-s d’asile de la Servette, Camarada, le Centre social protestant et F-Information.
Depuis, il a permis «quelque 200 rencontres mensuelles d’échange et de partage entre femmes suisses et migrantes, une vingtaine de pique-niques dans la campagne genevoise et au-delà, autant de fêtes multiculturelles, des milliers d’heures de partage de savoir-faire, de compétences et d’expériences, allant des cours de français aux atelier de création de bijoux et de couture, en passant par l’informatique, la cuisine et la sophrologie, pour n’en citer que quelques unes, avec des représentantes de 65 pays», comme le synthétisait une des animatrices du Réseau, Chokoufeh Samii.
Un réseau ouvert, libre et gratuit
Dans ces discussions mensuelles du jeudi soir, raconte une autre, «nous partageons les expériences les plus variées de l’exil: les femmes de diplomates, les travailleuses privées de statut légal, les réfugiées fuyant l’horreur des persécutions, les requérantes d’asile angoissées, les étudiantes étrangères, les fonctionnaires internationales, les anciennes saisonnières, et aussi les Suissesses venant d’autres cantons, parlant une autre langue, qui se sont senties exilées… Nous avançons ensemble dans la connaissance de l’autre, mais aussi de nous-mêmes».
Entre défilé de costumes traditionnels, danses folkloriques et buffet de spécialités, un spectacle saisissant, inspiré des histoires de vie de onze comédiennes de pays différents (la plupart montant sur scène pour la première fois) a été proposé par la metteuse en scène Catherine Hess. L’émotion a été forte quand pour évoquer leurs 15 ans, une femme kurde est arrivée en mimant un accouchement, une femme africaine a raconté pudiquement son excision alors que d’autres montraient l’innocence de la fin de l’enfance. Ce spectacle sera repris le 25 novembre, au Théâtre du Grütli dans le cadre d’une quinzaine pour l’égalité femmes-hommes.
Maryelle Budry
La fête a fait l’objet d’un reportage sur Carrefour TV
Invitation à toutes les femmes chaque troisième jeudi du mois de 17 h 30 à 19 h 30 à F-Information, 67 rue de la Servette, à Genève.
Maryann Wangui, une femme de coeur et de courage
Quelques jours après cet anniversaire, Maryann Wangui, membre fidèle du RESI-F et citoyenne suisse, organisait une fête pour marquer ses 20 ans de vie en Suisse. Elle invitait avec sa famille kényane toutes les personnes qui l’ont soutenue dans son insertion en tant que requérante d’asile: des membres de l’AGORA, d’ELISA, du CSP, de Camarada, de l’Hôpital et des ami-e-s qui ont surgi spontanément. Maryann, atteinte dans sa petite enfance par une poliomyélite foudroyante, avait dénoncé dans son pays un scandale financier lié aux oeuvres d’entraide pour les handicapé-e-s. Elle s’attaquait ainsi au dictateur kényan et en quelques jours avait dû tout quitter pour s’enfuir avec son petit garçon et une cousine pour l’aider. Son autre enfant a pu la rejoindre plusieurs mois après, alors que Maryann était hospitalisée. Des employées de l’hôpital ont témoigné à sa fête combien cette situation psychologiquement difficile les avait ouvertes à des réalités autres que la seule santé physique des patient-e-s.
Peu à peu, grâce aux amitiés qu’elle a suscitées et aux réseaux de solidarité, et surtout grâce à son immense courage, Maryann a pu vaincre tous les obstacles. Actuellement, elle parle parfaitement le français, travaille au Musée de l’Ariana, habite un appartement adapté à son handicap et vit de façon autonome, ses deux enfants étant devenus adultes. Sur un mur du local de fête, elle avait déployé une banderole «Merci à la Suisse, ce pays qui m’a accueillie et m’a permis de vivre une vie meilleure». Elle nous a aussi off ert à tous un T-shirt avec l’inscription «Merci à la Suisse»… Je le contemple avec émotion, mais, honteuse de la politique de mon pays, je n’ai pas encore pu le mettre. Pourtant, il est primordial de reconnaître et de rappeler que certain-e-s Suisses savent accueillir…
Maryelle Budry