Ethiopie | Les libertés en question
Données socio-démographiques
Capitale: Addis Abeba
Population: 86,5 millions d’habitants [ONU, 2012]
Langues principales: amharique, oromo, tigrigna, somali
Principales religions: Eglise éthiopienne orthodoxe (44%), islam (34%), autres groupes chrétiens (19%) [US, 2013]
Ethnies principales: Oromo (32,1%), Amhara (30,1%), Tigre (6,2%), Somali (5,9%) [OSAR, 2014)
L’Ethiopie est un Etat fédéraliste divisé en régions basées sur l’appartenance ethnique. Même si le parti au pouvoir se veut représentatif de l’ensemble de la population, la coexistence est problématique dans les faits: les lignes des conflits ouverts suivent de près les frontières ethniques. Les relations diplomatiques avec l’Erythrée sont toujours gelées suite à l’indépendance de cette dernière, malgré la fin officielle de la guerre, en 2000. Un conflit interne est en cours avec le Front de libération Oromo, qui vise à établir un Etat Oromo indépendant dans le Sud du pays. Un deuxième avec le Front de libération de l’Ogaden, région qui abrite la minorité somali. En janvier 2014, des troupes éthiopiennes ont rejoint la mission de l’Union africaine en Somalie, pour combattre les islamistes de Al Shabaab.
Statistiques des demandes d’asile d’Ethiopiens en Suisse en 2013 (sources ODM)
Nouvelles demandes d’asile: 246
Dossiers traités en première instance: 210
Non-entrées en matière: 67, dont 48 NEM Dublin
Décisions positives: 57 octrois de l’asile et 31 admissions provisoires
Décisions négatives: 47 rejets Renvois sous contrainte: 1 au pays, 23 Dublin
L’Éthiopie, premier pays africain d’accueil de réfugiés
L’Éthiopie est le pays qui accueille le plus de réfugiés en Afrique. Fin juillet 2014, ses camps abritaient environ 630’000 personnes, contre 575’000 au Kenya, jusque-là premier pays d’accueil africain. Les réfugiés sont principalement des Soudanais du sud (247’000), des Somaliens (245’000) et des Erythréens (99’000). Les 23 camps et les 5 lieux d’accueil provisoires sont gérés par le HCR. Les réfugiés n’ont pas le droit de travailler. Un projet du gouvernement lancé en 2010 permet à ceux qui peuvent subvenir à leurs besoins, seuls ou à travers le soutien de leur famille, de vivre en dehors des camps. Quelques étudiants ont pu être intégrés à l’université. L’été dernier, de violentes inondations ont frappé les camps de la région de Gambella, provo- quant de gros dégâts. Des dizaines de milliers de personnes ont dû être relogées (HCR, 2014).
Contexte et histoire politique
Depuis 1991, l’Ethiopie est gouvernée d’une main de fer par le parti du Front démocratique révolutionnaire des peuples d’Éthiopie. Hailemariam Desalegn a repris la fonction de premier ministre en 2012, suite à la mort de Meles Zenawi, à la t^te du pays durant 17 ans.
Trois textes de loi promulgués entre 2008 et 2009 ont permis au gouvernement éthiopien de museler à la fois les partis d’opposition, les défenseurs des droits de l’homme, les minorités ethniques et religieuses et les médias indépendants.
La Loi sur les sociétés et les associations caritatives interdit aux associations qui reçoivent plus de 10% de leurs fonds de l’étranger de travailler sur des questions politiques ou qui ont trait aux droits humains. Dans un pays où les investissements étrangers représentent environ la moitié du budget de l’État, cette disposition condamne les activités des ONG internationales et nationales.
Définie de manière vague, la Loi anti-terrorisme ouvre la porte à des pratiques arbitraires. Peut être qualifié de terroriste le défenseur des droits humains, tout comme le journaliste qui couvre une manifestation. C’est au travers de cette loi que se met en place la persécution de la communauté musulmane ou de groupes ethniques comme celui des Oromo (OSAR, 2014).
La Loi sur les médias offre au gouvernement un contrôle quasi total sur l’information. L’activité des chaînes étrangères est régulièrement interrompue. Journalistes et blogueurs indépendants sont régulièrement menacés et arrêtés, leurs sites bloqués, sur la base d’accusations comme celle de «déstabiliser la nation et (…) d’utiliser les médias sociaux pour inciter au chaos, avec le soutien d’organisations terroristes » (Reporters sans frontières, 2014). Les craintes de poursuite judiciaire et une surveillance omniprésente mêlant techniques anciennes (payer des informateurs dans les villages reculés) et technologies de pointe achetées aux grandes multinationales de la sécurité incitent à une forte autocensure (HRW, 2014).
L’opposition politique est fragmentée depuis le tour de vis des élections législatives de 2005. En 2010, le parti au pouvoir a obtenu 545 sièges sur les 547 du parlement. En 2013, pour la première fois depuis 8 ans, des manifestations ont eu lieu dans les rues d’Addis Abeba et d’autres villes du pays, organisées par deux partis de l’opposition, le «Parti bleu» et le Parti pour l’unité pour la démocratie et la justice (UDJ). Les mois suivants, 100 membres du «Parti bleu» et 62 de l’UDJ ont été arrêtés et torturés (OSAR, 2014). Des organisations locales estiment qu’environ 400 prisonniers politiques croupissent dans les geôles du pays (Freedom House, 2014). Les élections de 2015 s’approchant, les arrestations ne vont vraisemblablement pas s’arrêter dans les mois prochains.
Nora Bernardi