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Le Courrier | Pas en notre nom

«Libérez Ayop». Le slogan a retenti hier à l’aéroport de Cointrin. Une quarantaine de jeunes militants ont protesté et temporairement bloqué la tentative d’expulsion de ce Tchadien de 19 ans vers l’Espagne, alors qu’il a été gravement blessé lors de l’incendie du foyer pour requérants d’asile des Tattes à Vernier, en novembre dernier.

Editorial de Philippe Bach, paru dans Le Courrier, le 27 mars 2015. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Les forces de l’ordre sont venues le cueillir hier matin…. alors qu’il devait se rendre à une audience du Ministère public. Audience visant à établir les responsabilités des différentes instances étatiques dans ce drame qui a coûté la vie à une personne et en a blessé quarante autres (dont onze grièvement).

La collusion est peut-être fortuite. Mais elle est pour le moins malheureuse. Elle laisse planer l’impression que l’Etat pourrait essayer de se défausser de ses responsabilités en évitant des témoignages gênants. On est en droit de demander des comptes au si sémillant magistrat Pierre Maudet sur les responsabilités de ses services dans cette macabre affaire.

Sur le plan des principes, ce projet d’expulsion mené au nom des sacro-saints accords de Dublin vers le pays de premier accueil est scandaleux. Voilà une personne gravement blessée, puisqu’elle a subi une fracture du crâne en tentant d’échapper au brasier. La moindre des choses serait de la laisser se rétablir, comme le demandent des certificats médicaux sur lesquels l’autorité s’est tranquillement assise.

En termes politiques, cette opération est antidémocratique. Une pétition forte de 2200 signatures a été déposée devant le Grand Conseil. Il serait intéressant de connaître l’avis du législatif sur cette question. En lieu et place, on a eu droit à un déploiement du bras armé de l’Etat. Les jeunes qui se sont mobilisés – merci à eux – devant le guichet de départ ont été fermement immobilisés – un militant s’est plaint d’une prise d’étranglement–, voire embarqués, menottes aux poings pour certains. Pour rester sur le terrain juridique, la question relative au respect du principe de proportionnalité de cette intervention musclée peut être posée.

Enfin, cerise sur le gâteau, Ayop se retrouve aujourd’hui sous le coup d’une procédure pénale pour avoir refusé son expulsion. Du coup, il a été embastillé – comme c’est commode – et reste sous la menace d’un renvoi forcé.

Cette manière de faire est tout simplement indigne et inhumaine. Hier, 150 personnes ont spontanément manifesté en fin de journée sur la place de Neuve. Et dimanche, un buffet canadien prévu aux Tattes permettra aux Genevois-es d’aller à la rencontre de cette population traitée de manière aussi brutale par l’Etat, alors que c’est de solidarité, d’écoute et de soutien qu’elle a besoin pour pouvoir se reconstruire après les épreuves traversées.