Le mythe tenace de l’afflux « massif » de réfugiés
Non, la Suisse ne doit pas faire face à une « arrivée massive » de réfugiés, comme l’indiquait la plateforme web du 24 Heures, de la Tribune de Genève et du Matin, avant notre intervention dans le cadre du Comptoir des médias, le jeudi 11 juin.
Contenu de notre intervention du 11 juin 2015:
L’augmentation des nouvelles demandes d’asile que la Suisse a connu au mois de mai reflète un caractère avant tout saisonnier: augmentation au printemps, diminutions en automne. Le communiqué de presse du Secrétariat d’Etat aux migrations le souligne d’ailleurs très bien. Concrètement, à fin mai 2015, le nombre de nouvelles demandes d’asile déposée en Suisse s’élève à 8096, contre 8068 pour les cinq premiers mois de l’année 2014. Une différence minime.
L’augmentation des demandes d’asile que la Suisse a connue au mois de mai, bien qu’importante (31% en plus par rapport au mois de mai 2014) n’est ni inattendue ni exceptionnelle. Elle n’est pas exceptionnelle, vu les crises politiques qui sévissent au sud de la Méditerranée et au Moyen-Orient. Elle n’est pas inattendue: le SEM avait pronostiqué fin décembre 2014 une probable arrivée en Suisse pour 2015 de 27 à 31’000 demandeurs d’asile, appelant le Parlement à renouveler les effectifs et le budget pour y répondre. Comme nous le relevons depuis des années, ce chiffre –qui reste une projection- ne correspond pas à un « record » pour la Suisse, même s’il se situe en dessus de la moyenne annuelle de ces dernières années (en moyenne, 24’103 nouvelles demandes de 2011 à 2014). Voir aussi La grande interview politique de l’ancien directeur du SEM du dimanche 24 mai 2015 (Forum RTS).
Mais avant tout, les fluctuations des demandes d’asile sont un phénomène cyclique, comme l’explique très clairement le communiqué du SEM et comme l’a souligné M. Gattiker, directeur du SEM, dans Le Temps: « Le fait est que depuis quelques semaines, nous faisons face à une augmentation importante des demandes d’asile. Nous avons connu une hausse similaire l’année dernière » (Valérie de Graffenried, « Mario Gattiker: ‘Nous nous attendons à la venue de près de 29 000 requérants en 2015′« , Le Temps, 30.05.2015).
En comparant l’Etat des demandes d’asile pour la période janvier à mai des années 2011 à 2015, on voit bien qu’il n’y a pas lieu de s’alarmer:
Les demandes d’asile sont non-seulement saisonnières, mais par nature fluctuantes (voir ci-dessous). Autrement dit, en restant focalisé sur des données mensuelles, toute possibilité d’analyse est biaisée. Si le nombre de demandes déposées en mai a augmenté de manière conséquente, on peut aussi en tirer l’interprétation d’une hausse saisonnière anticipée d’un mois par rapport à l’an passé.
Il est d’ailleurs piquant de noter que les médias ne sont jamais aussi prestes à faire leur « Une » lors de baisses de demandes d’asile –telles que nous avons connu en début d’année. L’effet et l’impact de la rhétorique d’un « afflux massif » a été décrit et dénoncé à plusieurs reprises par notre association, notamment dans le cadre du Comptoir des médias.
Voici quelques exemples d’interventions et d’articles publiés sur notre site Internet et qui déconstruisent ce qui relève du mythe de l’invasion.
- 16 avril 2015: « Non, les réfugiés ne vivent pas sous terre à cause d’un ‘afflux’ de demandeurs d’asile!«
- 23 février 2015: « Décryptage | Hébergement: médias et public enfumés par la rhétorique de la hausse des demandes«
- 15 décembre 2014: « ‘La hausse des demandes se confirme chaque jour’, vraiment?«
- 15 juillet 2014: « Hausse des demandes d’asile: beaucoup de bruit pour rien«
Suite à notre intervention, l’expression « arrivée massive » a été modifiée par « nouvelle arrivée » de demandeurs d’asile:
Le Matin:
La Tribune de Genève: