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Le Courrier | Asile: prendre conscience des vraies priorités

Ça bouge à Genève sur le front de la défense du droit d’asile. Lundi, des réfugiés logés aux Tattes à Vernier – souvent des NEM, personnes frappées de non-entrée en matière, selon le jargon administratif – ont refusé d’être délocalisés dans des bunkers. Depuis, ils campent à la Maison des arts du Grütli et un mouvement social grandissant leur vient en aide.

Editorial de Philippe Bach, paru dans Le Courrier, le 19 juin 2015. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Rappelons deux ou trois évidences. On ne parque pas des gens dans des abris souterrains, fussent-ils labellisés du logo à l’arbalète. Oui, entendons le Conseil d’Etat justifier le fait qu’il s’agit de faire de la place aux familles qui vont arriver pendant le pic de l’été. Mais rappelons-lui que la solution proposée est inhumaine et désespérante; l’idée d’être enterré pour une durée que l’on devine longue est angoissante. Entendons les cris de peur de ces personnes qui viennent de fuir la guerre. Et ne les traitons pas, comme l’a fait un magistrat, d’ingrats qui pleurent la bouche pleine.

Deuxième constat: la position du gestionnaire, adoptée par les autorités genevoises et surtout suisses, ne prend pas suffisamment en compte le contexte géopolitique. A savoir que toute une région du Proche-Orient est en guerre. Il s’agit d’une crise majeure, il y a urgence. Et cela réclame des mesures autrement plus ambitieuses que cette politique qui tient davantage de la réaction que de l’action.

On peut imaginer des solutions ambitieuses sans tomber dans le «yaka». Par exemple un village de containers qui ne soit pas indigne. Et pourquoi ne pas transformer la caserne des Vernets en centre d’accueil? Mais où iront donc nos recrues? La Suisse ne manque pas de places d’armes. Et il s’agit d’une question de priorités. Accueillir les damnés de la guerre ou continuer notre train-train bien helvétique. Le choix devrait pourtant être vite fait.
Genève aime revendiquer le titre de capitale des droits humains. Sa politique d’accueil se doit d’être à la hauteur de cette prétention. Mais cela implique d’être capable de lever le nez du guidon. De faire de la politique et non de la gestion. Pour l’heure, nos édiles cantonaux ne parviennent pas à jouer le rôle qui devrait être celui de la «cité du refuge».

Puisse le mouvement social les aider à prendre conscience de cette urgence et de cette primauté de l’humain sur les contingences administrativo-financières. Et puisse cette mobilisation s’élargir: elle est encore cantonnée aux jeunes – qui, eux, ont immédiatement vu les vraies priorités – et aux milieux très militants. Les Eglises, que l’on retrouve souvent dans ces combats et qui articulent volontiers des principes d’accueil évangéliques, sont attendues. De manière informelle, des hauts responsables de l’Eglise catholique romaine se sont déjà rendus au Grütli pour rencontrer les migrants. Un premier pas.