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IRIN | Les Nations Unies ajoutent Madaya et Yarmouk à leur liste des villes syriennes assiégées

Les Nations Unies ont discrètement ajouté quatre villes à leur liste – de plus en plus controversée – des zones syriennes en état de siège, dont Yarmouk et Madaya qui a mis en lumière la question du blocus.

Article publié sur le site d’IRIN, le 2 février 2016. Cliquez ici pour lire l’article sur le site d’IRIN.

La carte récemment rendue publique par le bureau d’OCHA en Syrie considère les villes de Madaya, Bqine, Yarmouk et Madamiyet Elsham (également connue sous le nom de Moadamiyeh) comme assiégées, ce qui porte leur nombre total à 19. Ni la précédente carte proposée par OCHA, ni le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation humanitaire en Syrie ne considéraient ces zones comme étant en état de siège.

Un représentant du bureau d’OCHA en Syrie a confirmé que ces quatre villes avaient été ajoutées à la liste des Nations Unies des villes en état de siège, mais il n’a pas répondu aux demandes d’information supplémentaires formulées par IRIN.

Dans une déclaration devant le Conseil de sécurité des Nations Unies la semaine dernière, Stephen O’Brien, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires humanitaires, a lui aussi dit que Madaya était «assiégée», et il a ajouté que 486’700 Syriens vivaient en état de siège. Ce chiffre, repris sur la nouvelle carte présentée par OCHA, représente une augmentation par rapport au décompte effectué précédemment (393’700).

Les Nations Unies ont été critiquées pour avoir permis au gouvernement du président syrien Bachar al-Assad de minimiser la situation en Syrie, où, suivant les sources, entre 486’700 et deux millions de Syriens sont dans une situation de siège.

D’après Foreign Policy, qui a reçu un avant-projet du Plan de réponse humanitaire des Nations Unies, 10 références aux termes «siège» ou «zones assiégées» ont été retirées avant sa présentation à la fin du mois de décembre.

Une porte-parole d’OCHA a dit au magazine qu’il était d’usage de consulter l’avis des gouvernements sur ces plans.

En juillet 2015, les Nations Unies ont discrètement retiré le camp palestinien de Yarmouk de la liste des zones en état de siège, alors que cela faisait quatre mois que l’agence n’était plus en mesure d’acheminer de l’aide humanitaire aux habitants du camp. Le camp de Yarmouk a été ajouté à la liste, mais aucune explication n’a été donnée.

Au début du mois de janvier, des convois d’aide humanitaire ont été autorisés à entrer dans la ville de Madaya – dont les habitants, désespérés et affamés, se nourrissaient de feuilles – ainsi que dans les villes de Fua et Kefraya, au Nord. L’accès à ces lieux faisait partie de l’accord signé par les factions belligérantes, les militants qui tenaient Madaya appartenant au même groupe que les militants qui contrôlaient Fua et Kefraya.

L’acheminement durable de l’aide humanitaire n’a pas été négocié, et l’association humanitaire d’aide médicale Médecins Sans Frontières a déclaré vendredi que 16 habitants de Madaya étaient morts depuis la livraison de l’assistance humanitaire.

«Il est totalement inacceptable que les gens continuent de mourir de faim, et que les patients dans un état critique soient toujours dans la ville alors qu’ils auraient dû être évacués il y a des semaines», a déclaré Brice de le Vingne, directeur des opérations de MSF.

L’indignation suscitée par les tactiques de siège qui sont devenues monnaie courante en Syrie ne cesse de croître, et Marianne Gasser, chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Syrie, a écrit un texte pour la BBC. Elle parle avec franchise de sa frustration face aux difficultés rencontrées dans la négociation de l’accès de l’aide humanitaire.

Il a fallu «des mois de négociations» pour organiser l’opération d’urgence à Madaya, écrit Mme Gasser, expliquant que, à cause de la politique de la guerre, les camions acheminant de l’aide humanitaire aux habitants de Madaya ne pouvaient poursuivre leur route tant qu’un camion acheminant de l’aide dans d’autres villes assiégées était bloqué dans la boue.

«On ne pouvait pas livrer les denrées alimentaires dans une ville tant que l’on n’avait pas montré – via des photos envoyées par WhatsApp – que les mêmes denrées alimentaires étaient distribuées de l’autre côté», écrit-elle. «La synchronisation de l’aide. Ce n’est pas comme cela que l’on mène des opérations d’urgence».

Les organisations d’aide humanitaire qui interviennent en Syrie doivent obtenir une autorisation du gouvernement syrien pour se déplacer, et les Nations Unies indiquent que seulement 10 pour cent des demandes de convois inter-organisations déposées en 2015 ont donné lieu à des livraisons. M. O’Brien a qualifié le taux d’approbation du gouvernement syrien de «désolant».

Face à ces restrictions, certains ont demandé des opérations de largage d’aide sur la Syrie, mais les gouvernements et certains experts affirment que cela n’est pas réalisable.

Les négociations de paix pour la Syrie, où la guerre a fait près de 300’000 morts, ont été entravées par des retards et des menaces de boycott. Le principal groupe d’opposition syrien est arrivé à Genève, mais il a fait de la levée des blocus un point majeur de son programme et une condition pour les négociations.

«Nous sommes venus à Genève quand nous avons eu des engagements écrits sur l’accomplissement de progrès réels sur les questions humanitaires», a dit Basma Kodmani, porte-parole du haut comité de négociations de l’opposition, à des journalistes dimanche.

«Nous sommes ici pour mener des négociations politiques, mais nous ne pourrons pas les lancer tant que nous n’aurons pas obtenu cela», a-t-elle dit.