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Le Courrier | Bien intégrés et soutenus, les Hmeidi doivent partir

Malgré une large mobilisation au sein de la commune, les autorités ont prononcé le renvoi d’une famille syrienne.

Article de Florien Erard, publié dans Le Courrier, le 10 mai 2016. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

[caption id="attachment_31848" align="alignright" width="300"]Photo: Maya Herrmann La famille Hmeidi. Photo: Maya Herrmann[/caption]

«Alors qu’ils recommençaient une nouvelle vie, voilà qu’ils sont à nouveau déracinés», regrette l’oncle d’Awni Hmeidi. Ce dernier est le père d’une famille syrienne qui doit être prochainement renvoyée. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) a en effet rejeté la demande d’asile des Hmeidi et les redirige vers l’Allemagne, premier pays européen où ils ont été annoncés, conformément aux accords de Dublin. Au niveau cantonal, le Département de la sécurité et de l’économie (DSE) affirme qu’il exécutera la décision de renvoi. Le cas des Hmeidi a toutefois mobilisé la commune de Bernex.

Large soutien

La sentence choque les proches de la famille ainsi que le comité de soutien qui avait lancé une pétition et recueilli 4500 signatures pour demander que les cinq syriens puissent rester en Suisse. Epaulée par le Centre social protestant, la famille avait déposé un recours auprès du Tribunal administratif fédéral, qui n’est pas entré en matière. Par ailleurs, le Conseil administratif de la commune de Bernex avait soutenu ces démarches en écrivant au SEM ainsi qu’au DSE, pour attirer l’attention sur la bonne intégration des Hmeidi qui ont vécu de longs mois d’exil. En effet, les parents et leurs trois enfants avaient déjà tenté de rejoindre la Suisse, il y a trois ans, en effectuant une demande d’asile auprès de l’ambassade helvétique à Beyrouth. Après avoir essayé, en vain, de passer par l’Algérie et le Maroc, ils s’étaient rendus en Turquie pour ensuite emprunter le chemin des Balkans. Après un passage en Allemagne, ils avaient atteint la Suisse au mois de novembre 2015. En janvier de cette année, les enfants de cinq, sept et neuf ans sont scolarisés à Lully. «Ils ont fait d’énormes progrès, en français», note l’oncle d’Awni. Maya Herrmann, du comité de soutien, a observé une grande curiosité et volonté de participer à la vie au sein de la commune: «C’est une famille modèle, je ne comprends pas le motif du renvoi. Les Hmeidi ont de la famille à Genève, des oncles et tantes, des cousins, les parents d’Awni, son frère. Avoir ces attaches à Genève n’est pas négligeable pour leur intégration», estime Mme Herrmann. Quant au maire de Bernex Gilbert Vonlanthen, il regrette cette «bureaucratie trop rigoureuse, voire psychorigide mettant l’aspect humain de côté»: «Les Hmeidi ont pu bénéficier d’un programme pour les familles syriennes parce que le centre d’hébergement de Pré-Lauret disposait de places. Tout le monde y a mis du sien, l’école, les habitants, la mairie et au final ces efforts sont gâchés par une décision administrative.»

«Aucune marge de manœuvre»

Dans un courrier daté de la semaine dernière, Pierre Maudet, conseiller d’Etat chargé du DSE, explique n’avoir aucune marge de manœuvre cantonale puisqu’il s’agit d’une décision prononcée par le Département fédéral de justice et police. Il dit «comprendre les motivations humanistes des signataires de la pétition», mais signale «qu’il s’agit d’une situation qui s’apparente à d’autres cas Dublin, humainement très sensibles, qui ont dû quitter la Suisse suite à une décision fédérale».

La famille Hmeidi ne s’opposera vraisemblablement pas à la décision des autorités, selon nos interlocuteurs. «Ils sont certes contents de trouver l’asile en Europe, mais tout le travail d’intégration réalisé ici ne sert plus à rien», commente M. Vonlanthen. Parents et enfants rejoindront donc l’Allemagne d’ici au 27 mai. Ils ont d’ores et déjà choisi la ville de Stuttgart où vient d’être renvoyée la sœur d’Awni qui s’était elle aussi rendue en Suisse. «Nous avons tout tenté, dans les limites de la légalité. Je comprends bien que les accords Dublin fonctionnent de la sorte, mais c’est très triste, surtout pour les enfants», regrette finalement l’oncle d’Awni.