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Notre regard

Le Courrier | Editorial: « Machine à renvois »

Editorial de Rachad Armanios, publié dans Le Courrier, le 10 mai 2016. Cliquez ici pour lire l’éditorial sur le site du Courrier.

Voilà encore un cas illustrant l’absurdité bureaucratique de la «politique d’asile» européenne. Sur injonction des autorités fédérales, Genève s’apprête à renvoyer les Hmeidi en Allemagne, premier pays où ils ont été annoncés. Pourtant, c’est en Suisse que cette famille syrienne aurait les meilleures chances d’intégration puisqu’elle y compte des proches – oncles, tantes, cousins, frère… En six mois, les parents et leurs trois enfants ont d’ailleurs fait preuve de leur volonté de participer à la vie de Bernex, leur commune d’accueil. Une commune qui s’est fortement mobilisée pour demander le maintien des Hmeidi sur sol helvétique. A moins d’un retournement de situation, ils devront pourtant partir et tout recommencer en Allemagne.

La machine bureaucratique, en plus de broyer les humains, s’applique donc de manière absurde puisqu’elle ne se préoccupe pas de l’efficacité en termes d’intégration. Ce n’est pas le moindre des paradoxes: alors que le canton de Genève fustige les communes refusant de trouver des solutions d’hébergement, voila qu’il s’assied sur la solidarité que le Conseil administratif de Bernex témoigne envers les Hmeidi.

Au moins cette famille ne sera-t-elle pas divisée. Contrairement au cas d’Amanuel G., requérant érythréen renvoyé de force à Rome alors que sa femme est enceinte à Genève et doit s’y occuper de leurs deux enfants.

Ainsi, les accords de Dublin sont saufs. Simonetta Sommaruga et Pierre Maudet, chargés respectivement de l’asile au niveau fédéral et cantonal, font respecter le cadre légal.

Mais est-ce une preuve de grandeur politique que d’exécuter des décisions absurdes et inhumaines? Pierre Maudet affirme ne pas avoir de marge de manœuvre. Vraiment? Qu’il est loin le temps où un conseiller d’Etat genevois bourgeois – le PDC Dominique Föllmi – accompagnait à l’école un enfant clandestin. Depuis plusieurs années, le canton s’applique à renvoyer loyalement et avec zèle tous les «indésirables». D’ailleurs, jamais les détentions administratives n’ont été aussi élevées au bout du lac.

S’agissant de la famille Hmeidi, Pierre Maudet dit en substance qu’il n’y a pas de raison de se montrer pour elle moins ferme que pour d’autres situations similaires.
Le magistrat, qui s’exonère ainsi à bon compte, a au moins raison sur un point. Il ne s’agit pas de défendre le seul cas des Hmeidi, ou d’Amanuel G., ou de tous ceux qui ont été médiatisés par le passé. Ces causes particulières doivent permettre de dénoncer et de fissurer la forteresse européenne dans son ensemble.