Aller au contenu
Notre regard

Le Courrier, éditorial | Asile: non à la posture du mouton

Dans les urnes le 5 juin en raison d’un référendum de l’UDC, la modification de la loi sur l’asile divise la gauche et les milieux de défense des requérants. Portée par la ministre socialiste Simonetta Sommaruga, la réforme vise à accélérer les procédures. Cet objectif fait l’unanimité. Car une réponse tardive à une demande d’asile a des conséquences délétères en termes humains, d’intégration, mais aussi de coûts. Là s’arrête le consensus.

Editorial de Rachad Armanios, publié dans Le Courrier, le 19 mai 2016. Cliquez ici pour lire l’éditorial sur le site du Courrier.

Tout à droite, l’UDC combat les «avocats» gratuits censés garantir que les procédures ne seront pas bâclées. Le parti voit dans cette assistance juridique un «aspirateur» à requérants. Au contraire, Mme Sommaruga, forte du test opéré dans un centre à Zurich et de l’expertise indépendante qui en a été faite, promet des procédures équitables, faisant chuter le nombre de recours et donc la durée du traitement des demandes.

Derrière sa ministre, le Parti socialiste se réjouit de cette aide juridique alors que les requérants sont aujourd’hui livrés à eux-mêmes face à la machine de l’asile, ou dépendants de soutiens militants, variables selon les régions. A gauche, les partisans soulignent aussi les bénéfices d’un accroissement de la capacité d’accueil dans les centres fédéraux et du droit de travailler qui sera accordé aux requérants en procédure étendue. Surtout, ils préviennent: si l’UDC triomphe, la loi reviendra avec ses seuls durcissements.

Pragmatisme? Lucidité? On peut au contraire regretter un renoncement idéologique qui facilitera les prochains tours de vis et rendra encore moins audible la défense d’une politique d’asile digne de ce nom. Car la loi consacre un véritable durcissement, ce qui a amené des militants, issus de Suisse romande, à défendre un «non de gauche». Comment accepter de rendre définitives les mesures «urgentes» et temporaires acceptées en votation en 2013, telles que la fin des demandes d’asile dans les ambassades et le refus de reconnaître la qualité de réfugiés aux déserteurs? Et comment avaliser une réduction du délai de recours passant de trente à sept jours?

Dans la balance, les prétendus «avocats» gratuits pèsent moins lourd qu’on veut le prétendre. Seulement juristes, ils pourront en outre abandonner une procédure contre l’avis de leur protégé. Payés au forfait, ne seront-ils pas encouragés à trier les cas ou à ne pas aller au bout des démarches? Quant à leur indépendance, le ver est dans le fruit: comme le souligne le Conseil fédéral, cette protection juridique «aide les requérants d’asile à mieux accepter une décision négative, ce qui les mène à déposer moins de recours». Le but est bien de renvoyer le plus vite possible les «indésirables». Une incitation financière au retour a même été prévue, qui fond à mesure que le requérant tarde à débarrasser le plancher. Quant à accorder plus vite l’asile, c’est une autre histoire.

Le vernis se lézarde déjà: durant l’essai à Zurich, une vingtaine de cas sont parvenus jusqu’au Tribunal administratif fédéral. Qui conclut à des défaillances dans le suivi juridique de plusieurs requérants, parfois mineurs. Il relève notamment des cas où les dossiers sont passés de main en main. Sont-ce des exceptions ou la pointe de l’iceberg?