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Notre regard

Le Courrier | Après Calais, une jungle à Côme?

Le canton du Tessin réagit à l’état d’urgence que connaît la frontière sud depuis environ un mois: il a annoncé mercredi l’ouverture d’un centre provisoire à Rancate. La nouvelle structure accueillera – mais pour une seule nuit seulement! – des migrants qui seront ensuite refoulés en Italie.

Editorial de Philippe Bach, publié dans Le Courrier, le 11 août 2016. Cliquez ici pour lire l’éditorial sur le site du Courrier.

La situation devient extrêmement préoccupante: près de 500 migrants s’entassent en effet à Côme. L’entrée de la Suisse leur est refusée et l’Allemagne fait pression pour que notre pays bloque leur transit.

On n’en est pas encore au stade de la jungle de Calais. Mais l’absurdité du système Schengen-Dublin devient de plus en plus criante, tandis que l’Europe voit mis à mal l’accord passé avec la Turquie pour tenter de contenir ces flux migratoires.

Cette manière de se cramponner à un juridisme étroit et suranné n’offre aucune perspective. Parce que cette logique est celle d’une Europe-forteresse barricadée sur elle-même et que, précisément, son équilibre a volé en éclats avec la crise au Proche-Orient et en Afrique.

Cela nous fait perdre de vue l’objectif qui devrait être le nôtre: venir en aide à une population sinistrée, jetée sur la route de l’exil par la guerre, la violence politique ou l’absence de projets d’avenir.

Tout est fait pour décourager la venue de ces damnés de la terre. Comment expliquer, sinon, que le nombre de demandes enregistrées par le Secrétariat d’État aux migrations baisse? Alors que l’été est traditionnellement propice aux tentatives de franchir la Méditerranée? Depuis le début de l’année, quelque 8298 personnes* ont été refoulées aux frontières du pays, contre 3526 durant la même période de l’année précédente.

Nous publions dans cette édition une interview de la députée tessinoise socialiste Lisa Bosia Mirra, qui estime à une centaine de cas le nombre personnes bloquées à la frontière tessinoise et empêchées de déposer une demande d’asile.

Toute cette énergie pourrait être employée de manière plus humaine et plus constructive. Mais il est vrai que le climat politique délétère qui règne en Suisse et dans les pays voisins encourage les politiques au front bas et aux idées obtuses.

Dans quelques années, nous peinerons à expliquer comment nous en sommes arrivés là.

*Note de Vivre Ensemble: Il s’agit de « cas » et non de « personnes ». En effet, le corps des gardes frontières suisse tient la comptabilité du nombre de passages et non pas du nombre de personnes ayant traversé la frontière. Ce qui signifie qu’une personne qui ferait plusieurs tentatives d’entrées sur le territoire suisse serait comptabilisée plusieurs fois. Pour en savoir plus, voir notre décryptage: « Pertinence de l’utilisation du terme « illégal » dans le domaine migratoire« , 26.07.2016.

Suite a notre intervention, le Courrier a modifié l’article en écrivant « quelque 8298 cas de refoulements ont été recensés« .