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Notre regard

Le Courrier | Vives réactions après le renvoi des Musa en Croatie

Arrêtés mardi, les trois réfugiés kurdes de Syrie ont été expulsés mercredi matin. Les deux conseillers d’État de gauche se distancient de cette décision.

Article de Quentin Pilet, paru dans Le Courrier, le 7 septembre 2016. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Selon Solidarité Tattes, les trois frère et sœurs Musa sont en Croatie. Le collectif affirme avoir reçu un appel du frère aîné, Walat, annonçant leur arrivée à Zagreb mercredi à midi, ce que confirme leur avocat Me Philippe Currat. Les réactions à cette expulsion sont vives à Genève. Les deux conseillers d’Etat de gauche prennent leur distance avec ce renvoi.

Mardi matin, ces requérants d’asile kurdes de Syrie avaient été interpelés par la police devant l’Office de la population et des migrations lors d’une démarche administrative. Abozar, jeune réfugié afghan, appréhendé le 28 août dernier à Lausanne, a également été expulsé «dans le même vol spécial», selon le Collectif R qui gère un refuge pour les demandeurs d’asile déboutés et menacés d’expulsion à Lausanne.

«La fratrie en plein inconnu»

La nouvelle a douché les derniers espoirs de la cinquantaine de personnes réunies mercredi matin devant le siège du Département genevois de la sécurité et de l’économie (DSE) pour exiger leur libération. Pour Martine Félix, de Solidarité Tattes, «ce renvoi pousse la fratrie en plein inconnu. Nous tentons d’établir un contact avec l’association Caritas présente sur place afin de venir en aide aux Musa, sans argent ni bagage. Ils n’ont même pas de veste! Mais nous ferons tout pour les aider jusqu’au bout.»

«Les méthodes employées à Genève font écho à l’arrestation d’Abozar, arrêté par des policiers en civil lors d’une manifestation populaire. Ces cas tragiques montrent que les exécutifs cantonaux haussent le ton», souligne une responsable du Collectif R. «En se cachant successivement derrière le droit international et les directives fédérales, les magistrats nient leur responsabilités. Surtout qu’une certaine marge de manœuvre existe au sein des cantons», rappelle Martine Félix.

Mercredi en fin de journée, Me Philippe Currat avait pu renouer contact avec les Musa. «Ayant désormais toutes les informations utiles quant à leur situation, il m’est désormais possible d’envisager de poursuivre la procédure.» Affecté par la situation, il regrette «une application correcte mais trop stricte des accords de Dublin. Ces cas illustrent malheureusement une lecture fermée du droit laissant peu de place à l’humanitaire.»

«Une erreur magistrale!»

Les réactions ne se sont pas fait attendre dans la classe politique genevoise. Anne Marie von Arx-Vernon (PDC) dénonce «une erreur magistrale. Cette situation est indécente! Le Conseil d’État avait la possibilité d’agir. Comment est-il possible que Pierre Maudet (chef de la Sécurité, ndlr) ait pu faire la sourde oreille? Comment la police a-t-elle pu se montrer si inhumaine? Par cette politique, l’État pousse à l’illégalité et fait le jeu des passeurs.»

Un avis que partage, sur Facebook, Bertrand Buchs, président du PDC, regrettant «une application aveugle de la loi».

Pour sa part, Alexandre de Senarclens, président du PLR genevois, soutient son conseiller d’État, Pierre Maudet: «Il est clair que ces situations sont très difficiles. Ces gens ont fui la guerre, le sujet est donc très émotionnel. Malheureusement il faut rester réaliste. Si l’on veut que la population suisse adhère à la politique d’asile, il faut rester ferme et appliquer strictement la loi.»

Hodgers et Torracinta «mis devant le fait accompli»

Dans une position commune adressée au Courrier, les conseillers d’État de gauche, Anne-Emery Torracinta (PS) et Antonio Hodgers (Verts), prennent leur distance: «Nous regrettons d’avoir été mis devant le fait accompli ce matin (mercredi, ndlr) et continuerons à plaider, au sein du Conseil d’État, pour une politique d’asile plus humaniste.» Le DSE se refuse, quant à lui, à tout commentaire.