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Documentation

Genève, 14.09.2016 | Conférence de presse pour le retour de la fratrie Musa

Pour le retour de la fratrie MUSA auprès de leur jeune frère et de leur famille !

Conférence de presse du 14 septembre 2016.

L’arrestation brutale par les forces de l’ordre puis la déportation par vol spécial vers la Croatie de la fratrie Musa le 6 septembre 2016 ont stupéfait et profondément choqué de nombreuses personnes qui ne pensaient pas que ces pratiques étaient encore possibles aujourd’hui. Cet événement a suscité nombre de messages d’indignation et de colère. La conférence de presse de ce jour montre que cette indignation et cette colère sont largement partagées et dépassent les formations ou couleurs politiques.

Aujourd’hui, les Musa se trouvent au centre d’hébergement Porin, à Zagreb. Ils ne se résignent pas à demander l’asile dans un pays où ils n’ont aucune attache, où ils se sentent perdus. Nous continuons à nous battre pour leur retour en Suisse auprès de leur frère et de leur famille.

Nous déplorons ici la frilosité des Conseillers d’Etat qui ont tardé à intervenir à propos de ce renvoi. Avec une prise de position plus rapide et plus ferme de leur part ce renvoi aurait pu être stoppé. Sur des questions qui touchent au respect des droits humains, alors que le canton garde une marge de manœuvre face au diktat bureaucratique de Berne, les Conseillers d’Etat ne peuvent pas souscrire à de tels agissements et devraient avoir le courage de le dire clairement et d’assumer leur part de responsabilité.

Le traitement de la demande d’asile des Musa puis leur déportation a été exécuté sans aucune marque de bon sens ni aucune concertation. Nous demandons à l’ensemble du Conseil d’Etat de rendre justice à la famille Musa et de la rapatrier au plus auprès des siens.

Pour l’abolition des accords de Dublin et un traitement humain des demandes d’asile !

L’histoire de la famille Musa n’est pas un cas isolé. C’est une histoire parmi d’autres qui illustre parfaitement l’absurdité de l’application aveugle des accords de Dublin. Rappelons-nous d’Ayop, blessé suite à l’incendie du foyer des Tattes et menacé de renvoi, alors même que l’enquête sur l’incendie était encore en cours. Rappelons-nous d’Amanuel, emmené de force devant ses enfants au petit matin. Citons encore Aman, suivi de près par la Consultation des victimes de torture et de guerre, ayant subi des années de prison et de violence dans son pays. Son frère qui habite et travaille à Genève est son unique soutien. Aman risque pourtant un renvoi imminent vers l’Italie : son suivi médical sera alors brutalement interrompu ainsi que son soutien familial.

Mais il y encore d’autres histoires qui dépassent ce qu’on peut imaginer et qui se déroulent ici, à Genève, en 2016: des enfants d’âge scolaire brusquement emmenés avec leurs parents comme s’ils étaient des criminels, l’irruption de policiers dans la chambre des familles à 4h du matin, des mères menottées devant leurs enfants.

Non seulement Dublin est absurde, mais son application aveugle par la Suisse le rend violemment inhumain et contraire aux droits fondamentaux. L’article 17 du règlement Dublin III prévoit pourtant une clause dite de sauvegarde permettant d’éviter pour le moins certaines situations particulièrement insupportables. Et l’article 16 de la déclaration universelle des droits de l’homme consacre le droit à la vie de famille. Arrêtons un instant de renvoyer la balle à d’autres et regardons sérieusement la situation : à quel stade sommes-nous arrivés?

L’exécution brutale et automatique des renvois Dublin doit cesser. Nous demandons une rencontre urgente avec l’ensemble du Conseil d’Etat et lui demandons de se positionner sur l’application des accords de Dublin par la Confédération.

Pour une Genève terre d’asile et non centre d’excellence en matière de renvois !

La Suisse consomme massivement Dublin: sur 18’390 cas de demandes d’asile traités depuis début 2016, la Suisse a rendu 5’357 décisions de NEM Dublin, soit 30% (statistiques du SEM)! Les renvois au nom de Dublin ne sont en effet que la pointe de l’iceberg, car la plupart des requérants d’asile qui reçoivent une telle décision « disparaissent » du système de l’asile et vont rejoindre les nombreuses personnes illégales en Suisse, qui disparaissent des écrans-radars mais subissent des conditions qu’elles n’ont pas la possibilité de contester. Ce qui semble bien arranger tout le monde. Se débarrasser des demandeurs d’asile de cette façon est hypocrite et dangereux. Qu’advient-il de ces personnes livrées à elles même dans une Europe qui leur claque la porte au nez?

La Suisse se distingue également en matière de renvoi Dublin parmi les autres pays européens: 2’461 renvois au nom de Dublin ont été effectués en 2015 (pour 8 mi d’hab.), contre 525 par la France (66mi) ou encore 1’954 par l’Allemagne (82mi). Comment expliquer qu’un des pays les plus riches du monde soit si égoïste en la matière?

Ce qui est sûr, c’est que ce pays si riche n’hésite pas à dépenser sans mesure en matière de renvois. Des millions de francs partent chaque année pour exécuter ces renvois Dublin: charges administratives, mobilisation de policiers, vols de ligne, vols « spéciaux ». Des millions provenant de fonds publics déversés dans des pratiques violentes, inhumaines et dangereuses, alors que ceux-ci pourraient être employés à l’accueil et à l’intégration.

Genève, ville qui se targue d’être le berceau des droits humains et de la Croix-Rouge, qui se présente aujourd’hui comme « ville refuge », doit devenir un centre d’excellence en matière d’accueil, non de renvois!

Nous demandons au Grand Conseil une motion urgente pour un traitement juste et digne des demandes d’asile à Genève.

Solidarité Tattes et Lisa Mazzone

La conférence de presse, qui a eu lieu le 14 septembre 2016, a été enregistrée par librAdio. Vous pouvez écouter le podcast en cliquant ici ou sur l’image ci-dessous.

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