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Notre regard

Le Courrier | Un nouveau renvoi Dublin «inhumain» dénoncé

Un jeune érythréen a été renvoyé vers l’Italie, malgré des contre-indications médicales.

Article de Laura Hunter, paru dans Le Courrier, le 12 octobre 2016. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Quelques semaines à peine après le renvoi vivement critiqué de la fratrie Musa, Pierre Maudet et ses collègues du Conseil d’Etat genevois se voient à nouveau reprocher un zèle sans limite et dépourvu d’humanité. C’est du moins ce qu’exprime Solidarités Tattes mercredi, dans un communiqué de presse dénonçant le renvoi d’Aman Nusur, érythréen de 29 ans. Lundi matin, ce dernier a été arrêté au foyer Appia, où il avait été placé une semaine plus tôt.

Arrivé en Suisse fin 2015, Aman Nusur vivait en effet jusque-là dans un abri PC. S’étant opposé à son renvoi à Cointrin lundi après-midi, il a été transféré à la maison d’arrêt de Favra, puis déplacé et mis de force dans un vol pour l’Italie en partance de Zurich mercredi. Il a été renvoyé au nom des accords de Dublin.

Justes motifs

Aman Nusur a déserté l’armée à 22 ans. Retrouvé par ses supérieurs, il a été condamné à trois ans d’incarcération dans une prison militaire où il a été torturé. Après avoir réussi à s’échapper, il a fui son pays en 2012, entamant un long périple. Arrivé en Italie, il a été enregistré par les autorités, bien que son objectif était de rejoindre la Suisse, où son frère Alker vit depuis 2008. Détenteur d’un permis B, ce dernier l’a alors accueilli fin 2015.

Très vite, il a été clair qu’Aman Nusur souffrait de séquelles psychologiques. Il a donc commencé un traitement aux HUG, se rendant régulièrement à la «Consultation des victimes de torture et de guerre». Pour Solidarité Tattes, «ces raisons familiales, mais aussi médicales, a-raient pourtant permis à un Conseil d’Etat soucieux des droits humains de ne pas exéc-ter machinalement ce renvoi».

Que fait le Conseil d’Etat?

Juliette Luisier, membre de l’association, signale que tous les membres du gouvernement ont été contactés mardi. «Vu les reproches de médiatisation qu’ils nous ont adressés pour les Musa, nous avons tenu à les solliciter en premier lieu, avant la presse. De toute évidence, cela n’a rien changé.»

Elle relève aussi le manque d’informations quand le migrant n’a pas d’avocat: «On n’a pas su pendant deux jours où il était, où il irait, comment il allait. C’est presque de l’ordre de l’enlèvement.» Le Dr Adrien Fleury, psychiatre de profession, membre de Solidarité Tattes, a accepté de devenir le parrain d’Aman Nusur, estimant que le traitement thérapeutique initié à Genève devait être poursuivi. Précisons qu’il n’est pas son psychiatre.

Aman Nusur serait arrivé à Milan mercredi après-midi. On lui aurait alors tout simplement conseillé de chercher où dormir. Le jeune homme a réussi à contacter son frère pour l’informer de l’évolution de sa situation.

Un rassemblement pour demander son retour et l’arrêt de «l’application automatique et inhumaine des renvois Dublin» est prévu ce jeudi à 12h30 devant la présidence du Conseil d’Etat, 2 rue Hôtel-de-Ville.

L’Office cantonal de la population et des migrations dit ne pas être habilité à se prononcer sur les cas particuliers. «De manière générale, sur le plan médical, le seul motif que pourrait faire valoir le canton pour reporter le renvoi est une contre-indication médicale au transfert. Une validation du Secrétariat d’Etat aux migrations serait alors nécessaire.»