Le Courrier | Deux ans après l’incendie des Tattes
Bien que fustigée pour sa lenteur par les associations de défense des requérants, l’enquête avance normalement, estime l’avocat Pierre Bayenet.
Article de Quentin Pilet, publié le 17 novembre 2016 dans Le Courrier. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.
16 novembre 2014, un incendie se déclare au Foyer des Tattes à Vernier. Plus de quarante personnes sont blessées dont plusieurs grièvement. Fikre Seghid, 29 ans, décède d’intoxication. Deux ans plus tard, l’enquête n’a toujours pas abouti. Le collectif Perce-frontière, qui réunit de nombreuses associations d’aide aux réfugiés, fustige la justice pour sa lenteur. L’avocat Pierre Bayenet, qui défend plusieurs requérants inculpés pour incendie volontaire, estime pour sa part que la procédure avance normalement. L’enquête pourrait établir la responsabilité de l’Hospice général.
Pas d’oubli
«…Nous n’oublions pas» titre l’appel à commémoration du collectif Perce-frontières. Réunissant nombreuses associations d’aide aux réfugiés, le collectif souhaite que l’affaire ne soit pas étouffée et que l’enquête avance. Une manifestation s’est tenue devant l’Hospice général mercredi soir.
Lors des vingt-quatre derniers mois, plusieurs habitants ont été prévenus pour incendie volontaire. Les agents de sécurité du site sont, eux, sous enquête pour n’avoir pas correctement réagi durant l’incident. Ils auraient facilité la propagation de la fumée et tardé à appeler les secours. Malgré tout, aucune conclusion n’a été, pour l’heure, rendue.
Cette situation interpelle Aude Martenot, de Solidarité Tattes, association membre de Perce-frontières. «On pourrait croire que l’Etat refuse de voir aboutir la justice. Le renvoi de nombreuses victimes conforte ce sentiment.» Plus largement, le collectif dénonce des conditions de vie qui ne s’améliorent pas pour les requérants. «On aimerait être certains que le foyer est un lieu sûr désormais.»
L’Hospice général attend, pour sa part, les résultats de l’enquête selon Bernard Manguin, chargé des relations publiques. «Le bâtiment a été restauré il y a plus d’une année. Il est désormais totalement fonctionnel et est entièrement habité.» Ne pouvant s’exprimer sur les normes de sécurité dans le bâtiment, l’Hospice général n’a cependant pas entrepris de travaux de sécurisation.
Une enquête cohérente
«La procédure avance à une vitesse respectable, d’autant que le sujet se révèle très technique», estime Pierre Bayenet. Initialement, la personne qui logeait dans la chambre a été lourdement visée par la procédure. «Cette manœuvre nous a fait craindre une tentative d’en faire un bouc-émissaire. Or, l’enquête n’a pas réussi à prouver si le feu était parti d’une poubelle ou d’une prise électrique.» L’avocat juge que, depuis, l’enquête a pris un cours intéressant et cohérent. «Actuellement, le Ministère public cherche à déterminer la responsabilité des agents de sécurité. Il doit également déterminer si le bâtiment était aux normes.»
La procédure pourrait aboutir à plusieurs conclusions. D’une part, aucun verdict n’est tombé quant à la culpabilité des réfugiés soupçonnés d’incendie intentionnel. En outre, «si la sécurité du bâtiment n’était pas aux normes, la responsabilité de l’Hospice général pourrait être engagée», explique Me Bayenet. L’Etat pourrait donc être accusé au civil. Une autre possibilité serait de voir les agents de sécurité mis en cause. «Ces individus n’ont clairement pas voulu faire de mal. Il peut sembler très dur de condamner ceux qui ont agi selon leur bonne conscience, mais des consignes existaient. En avaient-ils connaissance? L’enquête devra le déterminer.»
Le Ministère public assure que l’enquête avance. «Cette affaire est instruite avec la plus grande diligence, affirme Henri Della Casa, chargé des relations médias. Cependant, on ne peut pas encore déterminer précisément quand se clôturera l’instruction.»