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Amnesty | Frontière franco-italienne: des contrôles aux frontières du droit

La récente enquête d’Amnesty à la frontière entre la France et l’Italie révèle que les contrôles sur place portent atteinte au droit d’asile et ne respectent pas la législation française.

Cliquez ici pour lire l’article sur le site de Amnesty International France et ici pour télécharger le rapport.

Une mission d’observation dans les Alpes-Maritimes, réalisée du 19 janvier au 26 janvier 2017, a permis de dresser un constat précis des violations de la France à l’encontre des réfugiés qui franchissent la frontière franco-italienne.

Les autorités n’appliquent pas les garanties et ne respectent pas les droits des personnes qu’elles contrôlent à la frontière. Le plus souvent, les renvois vers l’Italie sont organisés sans formalités, dans des conditions qui laissent penser que tout pourrait très bien être organisé de façon à ce que les personnes ne puissent exercer leurs droits.

Dans la plupart des cas, les personnes contrôlées à la frontière se retrouvent privées de toute possibilité de faire valoir leurs droits, notamment celui de solliciter l’asile. Madou, guinéenne, nous explique:

«La deuxième fois, j’ai retenté par le train et ils m’ont reconnu je crois à la gare de Menton Garavan et m’ont fait descendre. Cette fois-ci personne ne m’a remis de document. Mais on a pris mon nom, ma nationalité et ma date de naissance quand même. J’ai été remise directement dans le train pour Vintimille, 20 minutes après. Ensuite j’ai essayé de franchir la frontière en marchant cette fois-ci le long des voies de chemin de fer. J’ai été arrêtée là-bas et la police m’a de nouveau ramenée à Vintimille.

Maintenant je ne sais plus du tout quoi faire. J’ai très peur de retenter et de me faire de nouveau arrêter par la police qui risque de m’envoyer dans le camp de Torrente.

Je n’ai plus du tout d’argent pour repayer le train ou un bus pour remonter. Moi tout ce que je veux c’est aller en France rejoindre des membres de ma famille qui ont la nationalité et y déposer l’asile. Le voyage pour venir jusqu’en Italie était déjà très long et très éprouvant. J’ai des problèmes de santé importants que personne n’a pris en compte. A aucun moment je n’ai pu me faire soigner.»

Les enfants non accompagnés ne font pas l’objet de l’attention requise par leur situation de vulnérabilité et qu’exige pourtant la législation française de protection de l’enfance. Bilal, Erythréen:

«Lorsque tu te fais arrêter souvent à Menton ou juste avant, il y a deux possibilités. Si tu es mineur, dans ce cas les policiers te remettent directement dans le train.

Si tu es majeur ou qu’ils te considèrent comme majeur, ils t’emmènent au poste de police de Menton à côté de la gare et là entourés de policiers, ils te remettent ensuite aux policiers italiens qui se trouvent à la frontière juste en face.

De là il faut ensuite marcher pour retourner à Vintimille qui est à 10 kms. Lorsque tu dis que tu es mineur, il s’en fiche. Les policiers ne te donnent aucune information. Ils sont totalement silencieux. On n’est informé de rien. On nous donne parfois un document et parfois rien. Lorsqu’on nous parle c’est toujours en français et il n’y a pas d’interprète. On ne comprend absolument rien.»

Les manquements de la France poussent les citoyens à se mobiliser

Au cours de cette mission, nous avons rencontré plusieurs acteurs locaux, qu’il s’agisse d’organisations non gouvernementales, d’avocats, de professionnels impliqués directement ou indirectement sur ces questions, ou encore de citoyens engagés venant en aide aux personnes réfugiées et migrantes.

Les informations collectées sur place et les observations conduites par AI France durant la mission ont été enrichies par l’expérience des membres d’AI France engagés localement sur le terrain depuis plusieurs années.

Ce sont précisément ces violations des droits humains commises par les autorités françaises qui ont contraint des citoyens à se mobiliser pour venir en aide aux personnes réfugiées et migrantes; des citoyens qui, de façon paradoxale, se retrouvent, pour certains d’entre eux, poursuivis par l’Etat français.

Ni le ministère de l’Intérieur – Direction centrale de la police aux frontières, Direction de l’asile et cabinet du ministre de l’Intérieur – ni le Préfet des Alpes-Maritimes n’ont apporté de réponse à nos demandes formulées en amont de cette mission.

Une situation exceptionnelle

En 2016, la préfecture des Alpes-Maritimes aurait interpellé près de 35’000 personnes sur l’ensemble du département des Alpes-Maritimes, ce qui représenterait une augmentation de plus de 40% par rapport à l’année 2015.

La grande majorité de ces interpellations a eu lieu à la frontière franco-italienne. Selon la préfecture des Alpes-Maritimes, neuf personnes sur 10 interpellées auraient été réadmises en Italie. On peut en déduire qu’au moins 30’000 mesures de non admission ont donc été prononcées en 2016 dans ce seul département, ce qui représente presque 70% de l’ensemble des mesures de refus d’entrée prononcées sur l’ensemble du territoire.

Ces quelques chiffres illustrent la situation exceptionnelle qui prévaut sur cette portion du territoire français. Il apparaît difficilement concevable de considérer que les observations et les informations collectées ne seraient que le reflet de pratiques peu courantes ou isolées, qui ne concerneraient qu’un nombre restreint de personnes.

La France et l’Italie, co-responsables de la situation

Les modalités de contrôle de la frontière ont pour conséquence d’exacerber la situation. Déjà fortement éprouvées par des situations très difficiles dans leurs pays et leurs parcours d’exil, les réfugiés ou migrants se retrouvent coincés entre deux frontières, dans des conditions de dénuement manifeste. Ces personnes sont placées dans une très grande précarité, sans accès à un hébergement, à l’eau, à la nourriture ou à des conditions d’hygiène élémentaires.

Les points de passage se sont multipliés, aux risques et périls de ceux qui doivent franchir la frontière. Chaque jour, des personnes, dont des enfants, tentent désespérément de passer. La précarité de leur situation et le fait de devoir trouver d’autres moyens pour franchir la frontière ne font que nourrir les réseaux de traite et de trafic, qui s’enrichissent de part et d’autre de la frontière.

A rebours de certains discours, eux-mêmes en décalage avec le droit, il est impératif de réaffirmer que quel que soit son statut, régulier ou irrégulier, toute personne présente sur le sol français, a le droit au respect des droits humains.