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Notre regard

L’invitée du 24 Heures, Manon Schick | Contre l’application aveugle du règlement Dublin

Manon Schick parle des migrants et insiste sur la clause discrétionnaire de ce fameux règlement.

Texte de Manon Schick, publié dans le 24 Heures, le 25 avril 2017. Cliquez ici pour lire le texte sur le site du 24 Heures.

[caption id="attachment_39249" align="alignright" width="251"] Manon Schick. Photo: TEDxLausanne[/caption]

En matière d’asile, la Suisse est comme une île: il est difficile d’arriver jusqu’ici sans avoir traversé auparavant un autre pays européen. Cette situation est très pratique pour les autorités suisses: comme notre pays applique le règlement de Dublin, qui prévoit que c’est le pays de première entrée en Europe qui doit traiter la demande d’asile, bon nombre de requérants qui arrivent jusqu’en Suisse peuvent être renvoyés vers d’autres États.

Et la Suisse ne se prive pas d’appliquer le règlement de façon stricte: notre pays est celui qui procède au plus grand nombre de renvois Dublin. Ces six dernières années, nos autorités ont renvoyé près de 20’000 personnes vers d’autres pays européens, ce qui représente quinze pour-cent des demandeurs d’asile arrivés en Suisse. En comparaison, les renvois effectués par l’Allemagne ne représentent que trois pour-cent des requérants.

Les conséquences de ce formalisme helvétique sont catastrophiques pour les personnes vulnérables: des familles sont séparées; des enfants qui avaient été scolarisés sont arrachés de leur classe en milieu d’année; des personnes handicapées ou malades sont renvoyées dans des pays qui ne peuvent pas leur garantir l’accès aux soins médicaux nécessaires. Ceci alors que la majorité de ces personnes correspond aux critères pour obtenir le statut de réfugié. Mais elles sont ballottées d’un pays à un autre sans que les autorités en charge de l’asile ne tiennent compte de leur état.

Pourtant, le règlement Dublin contient une clause discrétionnaire qui prévoit que chaque Etat membre a la liberté d’examiner une demande d’asile déposée sur son territoire, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion.

Quand une mère syrienne a de la famille proche établie en Suisse, quand un couple n’est pas formellement marié mais qu’il a des enfants, pourquoi nos autorités se montrent-elles intransigeantes au point de séparer des familles?

Le système de Dublin ne peut fonctionner que si les États européens se montrent solidaires entre eux. Mais où est la solidarité quand un pays comme l’Italie est confronté à des arrivées de dizaines de milliers de requérants et que les autres pays, qui ont la chance de ne pas avoir de frontières avec la Méditerranée, refusent d’assumer leur part et renvoient des milliers de requérants vers la péninsule? Près de la moitié de tous les renvois Dublin en direction de l’Italie provient de la Suisse.

Le Conseil fédéral peut décider d’utiliser la clause discrétionnaire et protéger ainsi les réfugiés vulnérables, les familles, les femmes enceintes ou victimes de traite, les personnes âgées, handicapées ou celles traumatisées par la guerre, et les mineurs non accompagnés. C’est un geste nécessaire d’humanité.