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Notre regard

Visas humanitaires pour les Afghan·es: prises de position et pétition

Face à la prise du gouvernement afghan par les Talibans, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) demande l’arrêt complet des renvois vers ce pays. En Suisse, différentes organisations de défense des droits humains exigent l’établissement de voies d’accès sûres, en particulier l’octroi facilité de visas humanitaires. Les demandes ciblent les personnes qui auraient collaboré avec les puissances occidentales, les femmes et les familles des personnes se trouvant déjà en Suisse. Actuellement, des règles de regroupement familial très restrictives les rendent difficilement applicables. La révision des décisions de rejet de demande d’asile est également exigé vu qu’un retour dans leur pays ne semble pas envisageable actuellement. Pourquoi ces demandes? Comment se concrétise l’octroi d’un visa humanitaire? Nous proposons un point sur ces diverses prises de position.

Arrêt des renvois vers ce pays et des transferts ou décisions Dublin

A l’image de la Suisse, plusieurs pays ont déjà officiellement décidé de mettre fin aux renvois de ressortissant·es afghan·es vers ce pays. Néanmoins, cela n’est pas le cas de tous les pays européens, d’où l’appel du Haut Commissariat pour les réfugiés à suspendre ces renvois.

C’est également le risque de renvois en cascade vers l’Afghanistan par les pays n’ayant pas renoncé aux renvois vers Kaboul que problématise la prise de position de Solidarité sans frontières et des Juristes démocrates de Suisse en demandant de stopper les transferts Dublin de requérant·es vers d’autres pays européens.

Demande d’accès à des voies migratoires sûres

Les personnes fuyant l’Afghanistan se mettent en route pour un périple au risque de leur vie. Certains pays ferment leur frontière, à l’image de la Turquie qui dit craindre une arrivée de trop grande importance de réfugiés. Pour permettre aux exilés d’obtenir une protection dans un pays en sécurité, des mécanismes existent, notamment les réinstallations ou les visas humanitaires. L’Ouganda s’apprête ainsi à accueillir un contingent important de réfugiés d’Afghanistan, sur demandes des États-Unis.

Pour la Suisse, la Coalition des juristes indépendants demande que des visas humanitaires soient délivrés aux ressortissant·es afghan·es qui en font la demande.

Qu’est-ce qu’un visa humanitaire ? Et comment l’obtenir?

Selon la directive donnée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM):

Selon le SEM, les citoyens étrangers qui veulent quitter leur pays d’origine pour des raisons impérieuses peuvent déposer une demande de visa auprès de la représentation suisse com-pétente afin de savoir si leur situation personnelle leur permettrait d’obtenir un visa pour entrer en Suisse. Un visa humanitaire peut être délivré sur la base de l’art.4, al.2, OEV à titre individuel s’il est manifeste que la vie ou l’intégrité physique d’une personne sont directement, sérieusement et concrètement menacées. Si l’intéressé se trouve déjà dans un pays tiers, les autorités suisses partent du principe qu’il n’est plus menacé.

Le visa humanitaire avait été vanté comme remplacement valable au dépôt de la demande d’asile dans une ambassade depuis sa suppression en 2012. Un rapport de l’Observatoire suisse du droit d’asile et des étrangers (ODAE-Suisse) de 2019 montre que cette possibilité est dans les faits extrêmement difficile à obtenir.

Vue l’absence d’une représentation suisse à Kaboul, les Afghan·es devraient se rendre dans un pays limitrophe (Pakistan, Iran, etc.) pour déposer cette demande de visa humanitaire. De ce fait, ils et elles risquent de ne plus être considéré·es comme étant en « danger immédiat et individuel de mort », les autorités suisses considérant que la personne se trouve déjà dans un pays sûr. Le courrier envoyé le 17 août 2021 par Mario Gattiker, Secrétaire d’État aux migrations (SEM), aux cantons laisse entendre qu’il n’envisage pas une grande ouverture:

En ce qui concerne l’admission de plus de personnes, le droit suisse, fondé sur l’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur l’entrée et l’octroi de visa (OEV), prévoit en principe que les personnes qui se trouvent en danger concret, immédiat et grave peuvent déposer personnellement une demande de visa humanitaire auprès d’une représentation suisse à l’étranger. La représentation examine les demandes en collaboration avec le Secrétariat d’État aux migrations SEM. Toutefois, les critères de délivrance d’un visa humanitaire ont été strictement formulés par le législateur. Une menace concrète, immédiate et grave doit être prouvée.

La Suisse n’a pas de représentation en Afghanistan. Par conséquent, une demande de visa humanitaire ne peut être déposée qu’auprès d’une représentation suisse à l’étranger, hors du territoire afghan. Il faut donc s’attendre à ce que les représentations en Iran, au Pakistan, au Tadjikistan et en Ouzbékistan reçoivent de telles demandes dans les semaines à venir. Le SEM enverra une lettre aux ambassades concernées pour leur rappeler la procédure et les critères de délivrance d’un visa humanitaire. Pour qu’une demande de visa humanitaire soit approuvée, la personne concernée doit être en danger immédiat et individuel de mort en raison de la situation en Afghanistan. La simple appartenance à un groupe potentiellement à risque ne suffit pas. En outre, selon la pratique établie, les personnes concernées doivent avoir un lien étroit et actuel avec la Suisse. Cela peut être le cas s’il existe des relations familiales étroites et effectivement vécues avec des proches vivant en Suisse et un long séjour antérieur en Suisse avec des attaches étroites avec la Suisse, ou si les personnes exerçaient – jusqu’à peu avant l’arrivée au pouvoir des Talibans – une occupation exposée pour une organisation étatique suisse. Pour les membres de la famille nucléaire, il existe une possibilité de regroupement familial conformément aux dispositions ordinaires du droit des étrangers. Sur la base de ces critères d’admission (situation concrète de menace des personnes concernées, relation avec la Suisse), le DFJP examinera d’autres demandes d’admission de personnes en provenance d’Afghanistan.

Or, la demande des ONG va précisément dans l’idée de permettre qu’une exception puisse se faire dans ce cas d’extrême urgence. Cela avait été mis en place par la Suisse lors de l’éclatement de la guerre en Syrie en 2013, même si un premier bilan avait montré des entraves importantes à la délivrance de ces laissez-passer.

Qui est concerné ?

En Suisse, le CSP Genève, la Coalition des juristes indépendant·es demandent que les proches des ressortissant·es afghan·es se trouvant déjà en Suisse puissent être accueilli·es rapidement, à l’instar de l’opération d’obtention de visas facilités menée dans le cadre de la crise syrienne. De fait, les regroupements familiaux sont soumis à des conditions très restrictives surtout pour les personnes détenant une admission provisoire. Celles-ci représentent une majorité puisqu’en Suisse, la guerre civile n’est pas considérée comme un motif valable pour obtenir l’asile, puisque la persécution n’est pas ciblée (art. 3 LAsi). Par exemple, en 2020, il étaient 76% d’Afghan·nes à obtenir ce permis et 19% à voir leur demande d’asile déboutée. Impossible alors en temps normal de faire venir sa famille restée au pays. Même pour les réfugiés reconnus les exigences pour en faire la demande sont élevées.

Retrouvez dans le graphique ci-dessous les chiffres concernant les ressortissant·es afghan·es  en comparaison à d’autres nationalités en 2020. L’octroi de l’admission provisoire, qui constitue un refus d’asile, est largement majoritaire.

Cliquez sur l’image pour l’agrandir

L’Organisation suisse de défense des réfugiés (OSAR) rappelle l’importance d’accorder des visas non seulement aux employé·es de la délégation helvétique sur place, mais également pour les personnes qui ont collaboré par le passé avec les membres de la représentation diplomatique.

Solidarité Sans Frontières (SOSF) et les Juristes démocrates de Suisse appellent à ce que les métiers les plus menacés tels que les journalistes, médecin·es ou enseignant·es soient particulièrement protégés, de même que les femmes et les jeunes-filles.

Régularisation des requérant·es d’asile débouté·es afghan·es en Suisse

Comme un renvoi n’est pas exigible actuellement, plusieurs organisations demandent également le réexamen des demandes d’asile rejetées concernant des Afghan·es afin de leur permettre de vivre dignement en Suisse.

Comme le souligne Rhoderic Mounir dans l’éditorial du quotidien le Courrier du 15 août 2021 « Accueillir sans réserves »:

Le bilan est trop désastreux, l’heure trop grave pour un inventaire exhaustif. L’urgence est humanitaire. Dans ce domaine, l’Europe et la Suisse ont leur rôle à jouer.

                                                                                                                                                       Giada de Coulon et Sophie Malka, pour Vivre Ensemble

Retrouvez ci-dessous les différentes prises de position, les documents relatifs à l’admission provisoire et l’interview d’Aldo Brina du Centre social protestant Genève au 12h45 de la RTS. Une pétition vient d’être lancée sur act.campax.org afin de demander aux autorités d’agir en ce sens.

Signer la pétition

  • « Humanitäre Aufnahme von Schutzsuchenden aus Afghanistan » (Un visa humanitaire pour les personnes afghanes en quête de protection ») rendez-vous sur le site de Campax.

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