ECRE | Restaurer les droits et valeurs aux frontières de l’Europe
Une centaine d’ONG ont signé une déclaration commune s’adressant aux dirigeant·es europén·nes. En réponse à la crise humanitaire aux frontières entre l’UE et la Biélorussie, elles formulent cinq revendications pour que des principes éthiques et humains continuent de prévaloir dans l’accueil des personnes réfugiées. Elles demandent que l’accès à la procédure d’asile soit garantie; qu’une assistance humanitaire soit inconditionnelle; que les lois nationales non-conformes au pacte européen d’asile soient abrogées; que s’arrête la répression contre les professionnelles voulant accéder aux zones frontières; que les ententes avec les États tiers privilégient avant toute chose le respect des droits humains et les exigences de non-refoulement.
La déclaration commune originale en anglais a été publiée le 26 novembre 2021 sur le site de European Council of Refugees and Exiles (ECRE). Nous en proposons une traduction ci-dessous en français:
Déclaration commune
Appel à l’Union européenne pour la restauration du droit et des valeurs aux frontières
En tant qu’organisations professionnelles et de la société civile européenne travaillant sur l’asile, la migration, l’aide humanitaire et les droits de l’homme, nous sommes choqués par la crise humanitaire persistante aux frontières entre l’UE et la Biélorussie, qui cause d’immenses souffrances et a entraîné la mort d’au moins dix personnes.
Tout en condamnant pleinement les actions de la Biélorussie, nous demandons instamment à l’UE, aux États membres de l’UE et à toutes les organisations européennes et internationales concernées de réagir conformément aux obligations juridiques européennes et internationales et aux normes de décence communes.
Les personnes au cœur de la crise sont utilisées comme des objets dans le conflit entre l’UE et la Biélorussie qui a avant tout une dimension sécuritaire. Les personnes elles-mêmes ne constituent pas une menace pour la sécurité et ne devraient pas être mentionnées ni traitées par l’une ou l’autre des parties comme si elles étaient une arme. En effet, tout porte à croire qu’il existe de nombreux groupes très vulnérables parmi les personnes impliquées dans ces événements, notamment des femmes enceintes, des familles avec de jeunes enfants et des personnes âgées ou blessées. Parmi eux se trouvent des personnes qui ont fui la guerre et les persécutions depuis la Syrie, le Yémen, l’Afghanistan et l’Irak et qui, en l’absence de voies sûres et légales, n’avaient aucun autre moyen de se mettre en sécurité. Nous notons également que malgré les graves tensions qui existent entre les États concernés, la situation, comme beaucoup d’autres aux frontières de l’UE, est gérable et doit être abordée avec un sens de la perspective. À l’échelle mondiale, de nombreux pays en situation de grande fragilité sont confrontés à des problèmes de déplacement complexes, ayant des dimensions géopolitiques et sécuritaires et impliquant un nombre bien plus important de personnes. Ce qu’il faut, c’est une réponse claire et nette qui comprenne une défense ferme du droit d’asile et du droit européen et international.
Nous proposons donc les réponses suivantes, qui couvrent les différents éléments de la crise :
Garantir l’accès à l’asile aux frontières
En vertu du droit européen et international, toute personne demandant l’asile aux frontières, quelle que soit la manière dont elle est arrivée, a le droit de présenter une demande d’asile. L’accès à l’asile en Pologne, en Lituanie et en Lettonie doit être immédiatement rétabli, tant en terme de droit qu’en pratique. Cela signifie que toutes les mesures visant à empêcher les personnes d’accéder au territoire de l’UE et d’y déposer une demande d’asile doivent cesser. Cela concerne également le fait d’empêcher les personnes d’atteindre le territoire de l’UE, notamment en recourant à la force et en donnant des instructions aux gardes-frontières pour qu’ils procèdent à des refoulements, d’interdire l’introduction de leur demande d’asile en limitant l’accès effectif à la procédure par des restrictions géographiques sur les lieux où les demandes peuvent être introduites, et de tenter de déroger au droit d’asile et à la protection contre le refoulement.
Garantir l’accès humanitaire
À court terme, il est essentiel que les États concernés accordent l’accès humanitaire aux personnes touchées afin que les organisations humanitaires puissent les atteindre et leur porter assistance. Le fait que des États membres de l’UE empêchent l’acheminement d’une aide vitale à des personnes, dont certaines sont extrêmement vulnérables, est déplorable et irréfléchi. Il risque en outre d’avoir des répercussions négatives sur l’accès humanitaire dans les contextes de déplacement en dehors de l’UE et sape le rôle de l’UE en tant qu’acteur humanitaire crédible
Crédit: Phil Botha – Unsplash
Si l’impasse se poursuit, la décision d’évacuer immédiatement les personnes de la région frontalière vers les États membres de l’UE, en utilisant également les offres déjà reçues de la société civile, des villes et des groupes confessionnels pour accueillir les personnes, est une option qui pourrait éviter de nouvelles pertes de vies humaines. En parallèle, les États membres de l’UE devraient discuter et se mettre d’accord sur des accords de relocalisation ad hoc. Le transport de personnes vers des pays tiers pour le traitement des demandes d’asile, comme cela a été proposé, est illégal au regard du droit international et du droit communautaire, et est politiquement irréalisable.
Retirer la législation nationale non conforme
La situation à la frontière extérieure a entraîné des modifications de législations nationales en matière d’asile. Comme le démontre l’analyse juridique de la législation adoptée en Lituanie, en Pologne et en Lettonie, certains changements législatifs sont incompatibles avec l’acquis communautaire en matière d’asile, les traités de l’UE, la Charte des droits fondamentaux et le droit international. En Lituanie, les changements visent à restreindre l’accès à l’asile, à supprimer les protections pour les personnes en situation vulnérable, à autoriser la détention automatique, à restreindre l’accès à un recours juridique effectif et à réduire l’accès aux conditions d’accueil.
Dans le cas de la Pologne, la nouvelle législation constitue une violation directe du principe de non-refoulement en autorisant l’expulsion de personnes de Pologne même après qu’elles aient demandé une protection internationale et sans examen individuel visant à déterminer si l’expulsion entraînera une violation de leurs droits fondamentaux. En Lettonie, les modifications excluent la possibilité de demander l’asile pour les personnes traversant la frontière, ce qui signifie que le droit de demander l’asile et la protection contre le refoulement ne sont pas respectés. Si certains de ces amendements sont – en théorie – temporaires et leur application limitée géographiquement, ils risquent néanmoins d’institutionnaliser une pratique illégale. La demande d’asile est un droit fondamental et le non-refoulement est un principe non dérogeable qui doit être respecté même en période d’urgence.
La Commission européenne doit donner suite à sa demande aux États membres de supprimer les aspects de la législation qui violent le droit communautaire. Le respect du droit européen devrait être une condition de base pour toute aide de l’UE. Si les États membres refusent de respecter le droit européen et international, des mesures d’infraction et disciplinaires doivent être envisagées.
Contrer la répression de la société civile, des médias et des praticien·nes du droit
La situation aux frontières de l’UE a provoqué des tentatives d’intimidation et de répression de la part des États membres à l’encontre de la société civile indépendante, des médias et des praticien·nes du droit qui cherchent à réagir dans le cadre de leurs fonctions professionnelles. Les activités visant à fournir une assistance humanitaire et une aide juridique aux personnes à la frontière ne doivent pas être criminalisées. Interdire l’accès aux zones frontalières à la société civile et aux journalistes non seulement laisse les gens sans soutien mais a également des répercussions sur le travail de la société civile et des médias indépendants au-delà de l’Europe. Il est essentiel que la situation dans la zone frontalière soit contrôlée par des acteurs indépendants afin de garantir le respect du droit européen et international. Les actes de violence doivent être condamnés et faire l’objet d’une enquête.
Placer les normes en matière de droits de l’homme et la transparence au cœur de la coopération avec les pays tiers
Actuellement, l’UE recherche de manière proactive des accords avec des pays tiers, soit pour empêcher les personnes d’arriver à la frontière de l’UE, soit pour reprendre leurs ressortissants. Il faut s’assurer que tout accord avec des pays tiers, comme l’Irak, la Turquie ou le Liban, est conforme aux normes internationales en matière de droits de l’homme, à commencer par le droit de quitter son pays et les obligations de non-refoulement. Pour permettre une responsabilité démocratique sur les accords de l’UE avec les pays tiers, le contenu de tout accord devrait être rendu public et le Parlement européen devrait avoir un rôle significatif dans le suivi des accords. Un suivi indépendant et un soutien aux personnes qui rentrent chez elles devraient également être garantis.
L’UE et ses États membres doivent répondre à la crise à la frontière conformément à leurs obligations juridiques internationales et européennes. Le cadre politique et juridique actuel, s’il est appliqué, fournit tous les éléments permettant de gérer cette situation de manière calme et bien gérée, dans le respect des droits. Nous sommes alarmés d’entendre parler de propositions en cours d’élaboration qui pourraient permettre des dérogations injustifiables au droit européen et international.
11.11.11.
A Buon Diritto Onlus
A.S.G.I. – Associazione per gli Studi Giuridici sull’Immigrazione
ACT Alliance EU
Action Aid International
ActionAid Italy
ActionAid Spain
aditus foundation
Africa Solidarity Centre Ireland
Amnesty International
Andalucía Acoge
ARCI (Associazione Ricreativa e Culturale Italiana)
ARENE (Afghan Refugees Experts Network in Europe)
Association for Economic Consultations for Immigrants and Refugees (ACEIR)
ASSOCIATION ODNOS
AsyLex
asylkoordination österreich
Asylrättscentrum – Swedish Refugee Law Center
BRD-Sweden
Brot für die Welt
Bundesverband Netzwerke von Migrantenorganisationen e.V. (NeMO) Germany
Cambiare L’Ordine delle Cose, Forum Nazionale
Caritas Europa
CEAR
Centre for Research and Social Development IDEAS (Serbia)
Centro Astalli
Church of Sweden
CIR
CIRÉ (Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers)
Concord Italy
Conselho Português para os Refugiados (CPR)
Convive-Fundación Cepaim
Cordaid
Danish Refugee Council (DRC)
Defence for Children – ECPAT Netherlands
Der Paritätische Gesamtverband
Diakonie Austria
Dutch Council for Refugees
ECRE
Entreculturas
Estonian Refugee Council
Eurochild
EuroMed Rights
European Association of Development Research and Training Institutes (EADI)
European Center for Constitutional and Human Rights
European Network on Statelessness
fairness-asyl
FARR – the Swedish Network of Refugee Support Groups
Fédération de l’entraide protestante
Federation of Protestant Churches in Italy (FCEI)
Finnish Ecumenical Council
Finnish Refugee Advice Centre
FOCSIV- Italian federation Christian organisations of international voluntary service
Forum for Equitable Development (Slovenia)
Forum réfugiés-Cosi
France terre d’asile
Geloof en Samenleving (de Remonstranten)
German Caritas Association
Global Call to Action Against Poverty (GCAP) Europe
Greek Forum of Refugees
Helsinki Foundation for Human Rights
HIAS Europe
HIAS Greece
Hungarian Helsinki Committee
I.C.S. (Consorzio Italiano di Solidarietà)
ICMC Europe/SHARE network
IGLESIA EVANGELICA ESPAÑOLA
ILGA-Europe
Immigrant Council of Ireland
Institue Emma – center for victims if violence
Institute Circle, Slovenia
International Rescue Committee
Intersos
IPSIA ACLI
Irish Refugee Council
Ivorian Community of Greece
JRS Europe
La Coordinadora de Organizaciones para el Desarrollo
Legambiente
Lunaria
Médecins du Monde International Network
Medici per i Diritti Umani (MEDU)
Missing Children Europe
Mosaico azioni per i rifugiati
New Women Connectors
NOAS
Norwegian Refugee Council
Ocalenie Foundation
OMEP
Open Society European Policy Institute (OSEPI)
OPU – Organisation for Aid to Refugee
Oxfam International
Passerell
PIC – Legal centre for the protection of human rights and the environment
PICUM
PRO ASYL
Red Acoge (Spain)
Refugees Welcome Italia
Safe Passage International
Save the Children
she4she
Slovene Philanthropy – Association for Promotion of Volunteering
Stop Mare
Swiss Refugee Council
Symbiosis-School of Political Studies in Greece, Council of Europe Network
UNITED for Intercultural Action Campaign secretariat Fortress Europe No More Deaths
Vluchtelingenwerk Vlaanderen
World Hazara Council (WHC)