Statistique 2022 | Des chiffres pour faire peur, légitimer des lois discriminatoires, stigmatiser
Sophie Malka
Les statistiques de l’asile et de la migration sont souvent utilisées ou présentées de façon décontextualisée, renforçant voire justifiant des mesures politiques portant atteinte aux droits des réfugié·es et personnes en demande de protection, lorsqu’elles ne sont pas détournées pour véhiculer des préjugés. Dans son travail de sensibilisation aux idées reçues, Vivre Ensemble a très tôt saisi l’importance de mener un véritable décryptage des données chiffrées fournies et communiquées par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM). L’importance, aussi, d’en restituer les éléments les plus pertinents au grand public. C’est la raison pour laquelle nous avons développé une rubrique Statistiques de l’asile sur asile.ch. Elle propose diverses visualisations interactives et commentées des informations liées aux demandes d’asile et à la procédure d’asile en Suisse. Les données suisses viennent d’être mises à jour avec les chiffres 2022 ! Nombre de demandes d’asile, besoins de protection, données par nationalité, courbes montrant qu’aucune loi sur l’asile n’a jamais eu un impact – dissuasif ou attractif – sur le nombre de demandes d’asile, etc. Ces statistiques permettent un autre regard, et, espérons-le, peuvent servir à améliorer la politique d’asile et les droits des personnes réfugiées.
Texte: Sophie Malka. Infographies: Aljoscha Landös, Anne-Laure Bertrand & Sophie Malka
Le saviez-vous? En 2022…
Plus d’informations sur ces chiffres ici
Admissions "provisoires", vraiment?
Ce taux a fortement augmenté à fin 2022, puisqu’il était de 36% en 2021. De nombreuses personnes arrivées en Suisse en 2014-2015, année où près de 40 000 demandes avaient été déposées, avaient alors reçu une protection internationale sous forme d’admission provisoire (permis F). Beaucoup venaient de Syrie, d’Afghanistan, d’Érythrée et résident toujours en Suisse. Cela tend à montrer que ce permis est durable, même si les droits qui lui sont rattachés sont précaires et qu’il est vécu comme tel.
Derrière les chiffres, des personnes et des réalités
Combien sont celles et ceux qui, une fois leur demande examinée par les autorités suisses, se sont effectivement vues reconnaître un besoin de protection en 2022 et vont donc durablement rester en Suisse ? 83% Un taux qui n’a été qu’une seule fois en dessous de 70% depuis 2011.
Cette information est cruciale dans la gestion par les cantons des places d’hébergement, de places dans les écoles, etc. Or, durant longtemps -et parfois encore aujourd’hui- les autorités ont placé les décisions d’admissions provisoires (le fameux permis F) parmi les décisions négatives, laissant croire qu’une minorité seulement des personnes arrivées en Suisse allaient rester. Et étaient légitimes à demander protection. Une vision faussant à la fois les politiques publiques d’accueil et d’hébergement – les cantons ne prévoyant pas suffisamment de place1 – mais alimentant aussi les discours autour de la croyance qu’une majorité des personnes vient en Suisse pour des raisons «purement économiques » ou pire, pour « profiter du système». La rhétorique des soi-disant «faux réfugiés».
Reconnaissance du besoin de protection en 2022
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