Le TAF confirme la pratique du SEM à l’égard des femmes afghanes
Raphaël Rey – CSP Genève
En décembre dernier, le Conseil national et le Conseil des États devaient se prononcer sur les motions Rutz (CN – 23.4241) et Bauer (CE – 23.2447). Renvoyées en commission par les deux conseils – et donc toujours d’actualité – ces deux motions demandent à revenir sur le changement de pratique du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) concernant les demandes d’asile des femmes et filles afghanes. Fin décembre, nous dénoncions une volonté de violer le droit d’asile en demandant de refuser celui-ci à des personnes dont on reconnaît qu’elles fuient des persécutions dans leur pays (notre décryptage). Notre analyse a été validée par le Tribunal administratif fédéral (TAF) dans un arrêt du 22.11.2023. Les juges confirment la justesse de la nouvelle pratique du SEM.
Pour rappel, depuis la mi-juillet, les requérantes d’asile originaires d’Afghanistan sont considérées comme victimes à la fois d’une législation massivement discriminatoire et d’une persécution religieuse. À ce titre, la qualité de réfugiée leur est accordée à l’issue d’un examen individuel de la demande par le SEM. Auparavant, les femmes afghanes recevaient généralement une décision d’asile négative assortie d’une admission provisoire, l’exécution du renvoi étant jugée inexigible.
Alors que les motions soumises par l’UDC et le PLR demandent au Conseil fédéral de rétropédaler, les juges du TAF (arrêt du TAF D-4386/2022 du 22.11.2023) ont validé la nouvelle pratique des autorités fédérales. Le tribunal a ainsi reconnu le droit d’asile en Suisse à deux Afghanes qui, en cas de retour en Afghanistan, auraient été exposées au risque de mariage forcé et n’auraient pas eu la possibilité de suivre une formation ou d’exercer une profession. La Cour affirme dans cet arrêt que la discrimination radicale et systématique des femmes par les talibans constitue un motif de persécution important au regard du droit des réfugiés et « qu’une vie autodéterminée pour les femmes et les filles en Afghanistan n’est pas possible sous le régime actuel ».
Cet arrêt vient confirmer que la pratique actuelle du SEM s’appuie sur des considérations juridiques en regard du droit et des obligations internationales que la Suisse s’est engagée à respecter. Tant la Convention de Genève sur les réfugiés que la Constitution et la loi suisse obligent nos autorités à octroyer l’asile à toute personne persécutée dans son pays. À ce titre, le besoin de protection des femmes et des filles afghanes est incontesté. Les considérations idéologiques ou partisanes au sein du Parlement ne doivent pas jouer de rôle à cet égard, au risque d’outrepasser le principe de la séparation des pouvoirs.