Editorial | Jusqu’où sommes-nous prêts à aller?
A peine les durcissements apportés à la loi sur l’asile (LAsi) et à la nouvelle loi sur les étrangers (LEtr) sous toit, au lendemain du 24 septembre comme pour rassurer la population qui les a largement approuvées, des politiciens n’ont eu de cesse de proclamer «que la loi sera appliqué de façon humaine», «que certaines mesures ne seront nécessaires que pour quelques rares cas individuels»
Est-ce de la naïveté, de l’aveuglement, au pire de la mauvaise foi, au mieux un certain remords? On ne légifère pas pour quelques quidams récalcitrants. Et peut-on vraiment appliquer «de façon humaine» une loi essentiellement inhumaine.
Quand on met de telles armes à disposition des exécutants, c’est bien pour qu’elles soient utilisées. Il est à craindre que le redoutable arsenal des mesures législatives, combinant des mesures de détention de longue durée, de contrôle, de mise à l’amende, d’assignation à résidence, de mise à l’écart de lieux publics et de précarisation jusqu’à l’indigence de personnes dont le seul délit est leur présence sur le sol suisse soit un jour ou l’autre mis en œuvre par certains cantons particulièrement zélés, comme d’ailleurs le montre l’exemple de certains cantons alémaniques.
L’acharnement mis à mal traiter et à châtier de plus en plus durement les requérants est un acte politiquement irresponsable, car propre à encourager et à favoriser une attitude hostile, voire agressive et/ou violente de la population envers ces «coupables désignés» que sont devenus les requérants déboutés et les requérants dont la demande a fait l’objet d’une non-entrée en matière (NEM).
Ces mesures déshumanisantes et répressives appliquées à une catégorie de personnes, uniquement en raison de leur statut de séjour, se rapprochent dangereusement de la logique qui a amené l’Allemagne nationale socialiste à construire des camps d’internement, des Lager. Dans le sens rigoureux du terme, avant de devenir des camps d’extermination, les Lager allemands ont été des lieux ou vivaient reclus des individus, considérés comme étant dangereux pour la sécurité de l’Etat, sans qu’ils aient commis d’action pénalement répréhensible, mais en raison de ce qu’ils étaient, Roms, juifs, handicapés, homosexuels.
Soyons vigilants et ne nous laissons pas leurrer par un discours politico-médiatique banalisant et occultant les véritables enjeux de mesures destructrices. Ce qui est en train de se passer sous nos yeux appelle à un acte de résistance civique fort et à de la persévérance pour s’opposer à la dérive de nos autorités. Il en va de notre propre dignité et de la crédibilité de notre Etat de droit. Lisez l’article sur le mouvement de soutien aux «523» déboutés du canton de Vaud, la résistance porte ses fruits!
Françoise Kopf