Observatoire | Mise en route du projet suisse. L’impatience grandit
Deux cent vingt groupes et personnes ont répondu à la première circulaire par laquelle les initiateurs de l’Observatoire du droit d’asile et des étrangers demandaient aux uns et aux autres de manifester leur intérêt pour ce projet. Le 8 février, ils étaient septante et un à être venus à Berne, en pleine semaine, pour adopter les statuts de la nouvelle association. C’est dire si le projet suscite une très large adhésion. Mais la structuration d’une organisation nationale, et la recherche de financements à hauteur de 2 ou 300’000 francs par an ne se font pas en un tour de main. Basé sur des visions parfois contradictoires, le projet suisse nécessitera sans doute encore de longs mois pour devenir opérationnel. Dans l’intervalle, l’impatience grandit parmi les gens de terrain, qui sont confrontés tous les jours aux effets pervers de notre droit d’asile. (réd)
Membre du comité suisse, Afra Weidmann, s’est beaucoup engagée depuis de longues années en faveur de réfugiés bloqués à l’aéroport de Kloten et pour les personnes placées en détention en vue du refoulement. Pour elle qui voit très directement ce qui se passe sur le terrain, il est important que l’on ne se perde pas en discussions entre grandes organisations, car chaque semaine apporte de nouveaux exemples des dérapages de notre politique d’asile et des étrangers.
Par exemple
- Un Afghan du sud de Kaboul se trouve dans la prison de Kloten pour être renvoyé, alors même que l’OTAN appelle depuis des semaines le renforcement des troupes pour contrer l’offensive de printemps des talibans. Son village se trouvera en plein champ de bataille. Une demande de réexamen est en cours. Mais pour l’heure, cet homme reste en prison!
- Adamou n’ose presque plus sortir du centre pour requérants d’asile, où il séjourne pourtant en toute légalité. Les contrôles ont beaucoup augmenté depuis mi-janvier aux environs de Zurich. Dernièrement dans un train, prêt à partir, des policiers entrent dans le wagon où il est le seul passager, ferment la porte, le menottent, vident son sac, le forcent à ouvrir la bouche. Après avoir regardé son livret N, ils réalisent qu’il n’est pas la personne cherchée. Aucun mot d’excuse. Adamou est Noir, originaire de l’est du Tchad. Poliment il dit bonsoir aux policiers en uniforme quand ils commencent à s’éloigner. Pas de réponse. Juste un sentiment d’oppression.
- Téléphone de Lucerne: Mr. D est pris de panique. Père de famille avec quatre enfants, couple binational, impossible de quitter la Suisse ensemble. Les deux parents sont en thérapie psychiatrique. Il a reçu une convocation de la police des étrangers. Une menace de détention pour insoumission pour lui et sa femme. Des menaces qui se répètent depuis janvier 2007, malgré leur état psychique très fragile.
- Une employée d’un centre pour personnes frappées de non-entrée en matière (NEM) dans le canton de Zurich m’appelle: elle veut arranger une visite à la prison de Coire où le père d’un nouveau-né est détenu. La jeune mère frappée de NEM vient de Mauritanie et n’a pas de document de voyage. Le père vient du Yémen, et il a été placé en détention en vue du refoulement. Sa paternité est contestée. Une collecte permet de trouver l’argent pour un test ADN, Résultat: le père est bien le père, à 99,99%. Il devrait ainsi échapper à une expulsion séparée.
Courriel d’Afra Weidmann du 3 mars 07, relatif à des cas réels pouvant intéresser l’Observatoire
Genève: le projet avance
Parallèlement, à Genève où une expérience grandeur nature est réalisée grâce à l’apport d’un stagiaire du Centre social protestant, des discussions intensives ont permis de mettre au point un cadre de référence et des principes de travail précis pour la description des cas recensés par l’observatoire. Garantir la fiabilité des informations par un mécanisme de relecture de chaque fiche par des spécialistes, veiller à un style sobre et factuel, structurer les fiches de manière à aller vers un descriptif détaillé, tout en disposant dès le début d’un résumé clair et complet: de nombreuses questions ont été abordées par le groupe de travail à partir de six cas tests. De nouveaux cas d’application vont maintenant être traités, avant de passer à la conception d’un site internet destiné à rendre accessible au public les informations recueillies. Nous ne manquerons pas de vous en reparler.