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Notre regard

Mouvement | Requérants face à l’administration: Un coup de main bienvenu

Les démarches administratives ne sont jamais simples. Pour un étranger en situation précaire cela relève du parcours du combattant. Dans le canton de Genève, en 2002, sur l’initiative du Centre social protestant (CSP), une équipe de bénévoles s’est constituée pour venir en aide aux requérants: l’association des Scribes pour l’asile.

Au départ, il s’agissait de décharger les permanences juridiques d’aide aux réfugiés des demandes de transformation des permis F (admission provisoire) en permis B. Très vite, d’autres tâches se sont rajoutées: vérification des comptes de sûreté (contrôler si l’employeur a reversé les 10% de retenue sur les salaires à l’Office fédéral des migrations pour le remboursement des frais de procédures d’asile), demandes de naturalisation et de documents de voyage, rédaction de curriculums vitae, de lettres de motivation,… Les Scribes tiennent deux permanences hebdomadaires à la Maison de la Croisette à Vernier: le lundi soir de 18 à 20 heures et le vendredi matin de 10 à 12 heures.

Une équipe de bénévoles

Cette association compte quinze membres, tous bénévoles. Certains sont à la retraite, d’autres travaillent à plein temps. Une petite formation de base est proposée. Cependant, en plus d’une connaissance des démarches administratives, il faut aussi avoir du goût pour les contacts humains et la volonté d’apporter une aide concrète. Cela signifie un engagement dans le temps et la continuité.

«Je fais partie de l’équipe depuis deux ans. J’ai toujours été sensible aux problèmes d’asile, mais j’avais besoin de connaître de manière concrète ce que vivent ces personnes, de mettre des visages sur les statistiques. La permanence, c’est pour la première prise de contact. Ensuite, je vais voir les gens chez eux avec les lettres que j’ai rédigées. On discute et souvent je m’aperçois qu’il manque des éléments. Je recommence alors, avec plus de précisions.» Yvan Roy, retraité.

Un travail d’accompagnement

Ce sont les demandes de transformation de permis F en permis B qui nécessitent le plus grand investissement en temps. Pour les détenteurs d’une admission provisoire, il est possible, après cinq années passées en Suisse, d’obtenir un permis B humanitaire à certaines conditions. Il faut faire preuve d’une bonne intégration (maîtrise du français pour les démarches quotidiennes), être indépendant financièrement (depuis six mois au moins ), ne pas avoir de dettes, ni de problèmes avec la police. Les Scribes constituent alors un dossier pour le requérant qui l’envoie lui-même à l’Office cantonal de la population (OCP). Après un préavis favorable de ce dernier (environ six mois d’attente), le dossier est transféré à l’Office fédéral des migrations qui communique sa décision généralement dans un délai de deux mois.

«Souvent des personnes viennent nous trouver sans remplir toutes les conditions. Nous leur expliquons que nous ne pouvons pas faire la demande car ils essuieraient, à coup sûr, un refus. Ils sont alors découragés, certains ne peuvent retenir leurs larmes. Ils ont déjà tellement attendu ! Nous prenons le temps de les rassurer, nous les encourageons à entreprendre de nouvelles démarches (cours de français, formations,…), nous les soutenons dans leur recherche d’emploi. Certains employeurs n’ont pas encore pris connaissance de la nouvelle législation concernant l’intégration des titulaires de permis F (ils ne sont plus soumis aux règles de priorité des travailleurs). Je fais, parfois, des téléphones pour les informer.» Olivier Masson, coordinateur de la permanence du lundi.

Une grande implication

Pour l’obtention du permis B humanitaire, l’indépendance économique n’est pas un critère absolu. La loi prend en compte différents motifs (âge, état de santé, situation familiale,…), si une personne ne peut exercer une activité lucrative à temps complet.

«Lorsque toutes les conditions sont remplies, soit dans environ 75% des demandes effectuées, le permis B est accordé. En cas d’indépendance financière partielle, il est important de rechercher tout ce qui peut être favorable pour étoffer le dossier. Il faut prendre le temps d’évaluer chaque situation, de discuter avec les assistants sociaux des personnes concernées. En ce moment, je travaille sur le dossier d’une mère de famille, seule avec quatre enfants en âge scolaire, travaillant à 60%. Pour cette dame, un travail à plein temps n’est pas une solution, l’équilibre de la vie de famille s’en ressentirait. Il faut, alors, trouver des arguments qui soulignent sa volonté de s’intégrer et de prendre part à la vie économique, en espérant que sa demande sera évaluée en fonction de sa situation familiale particulière. Nous attendons avec impatience la réponse.» Hildegard Veragut, coordinatrice de la permanence du vendredi.

Beaucoup de joie

La joie exprimée par un requérant, lorsque sa demande a abouti positivement, est la plus grande reconnaissance que peut recevoir un Scribe pour tout le travail effectué.

«Je déteste la manière imposée par la politique d’asile de traiter des êtres humains comme des marchandises, de les mettre dans un dépôt en attendant de savoir qui on va garder, qui on va expédier ailleurs. En chacun, il y a des richesses culturelles et humaines que nous pouvons partager. J’ai toujours aimé la Suisse parce qu’il n’y a pas qu’une seule culture, une seule unité. C’est cette Suisse-là que je défends par mon engagement.» Simon Schlaefer, fonctionnaire fédéral à la retraite.

Propos recueillis par Nicole Andreetta