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Notre regard

Editorial | Sont-ils encore des êtres humains?

Les demandeurs d’asile sont-ils des êtres humains aux yeux de nos autorités? Aussi choquante soit-elle, la question se pose dans toute sa brutalité, si l’on s’efforce de prendre conscience du traitement inhumain que subissent les requérants.

Lors de la session de mars des Chambres fédérales, il s’est trouvé à plusieurs reprises une majorité pour approuver l’usage d’une arme à électrochocs destinée à paralyser les récalcitrants lors des expulsions. Une arme interdite contre les animaux…

Le 5 mars, une conférence de presse à laquelle participait l’ancien chancelier de la Confédération dénonçait le fait que la quasi totalité des cantons ait trouvé normal de priver les déboutés de l’asile placés à l’aide d’urgence d’une assurance maladie, pourtant obligatoire pour tous. En clair, les déboutés n’ont pas besoin de recevoir les mêmes soins que les habitants de ce pays.

Une proposition d’interdire tout mariage aux requérants déboutés et aux «sans papiers» est en cours d’adoption aux Chambres fédérales, quand bien même l’exécution du renvoi peut prendre des années. Ces jeunes adultes n’auraient ainsi plus le droit de développer une vie affective débouchant sur la fondation d’un ménage.

Dans l’éventail des mesures de contrainte, la dernière révision de la législation sur l’asile et les étrangers a introduit une détention pour insoumission qui nous ramène au Moyen Âge. Il ne s’agit ni de punir en lien avec un délit, ni de détenir quelqu’un en vue d’un renvoi proche. Non, il s’agit de détenir quelqu’un, jusqu’à dix-huit mois, pour briser sa résistance et le faire craquer.

On sait que dans le cadre de la procédure d’asile, les requérants n’obtiennent presque jamais l’assistance d’un avocat d’office comme promis par l’article 29 de la Constitution aux personnes indigentes. On sait que dans certains cantons, les enfants de requérants ne sont plus systématiquement scolarisés. De longue date, les demandeurs d’asile sont placés dans des logements collectifs, sans possibilité parfois de disposer d’un espace protégeant leur vie privée. Et les discriminations s’étendent jusqu’à l’interdiction de passer le permis de conduire ou de souscrire une carte «easy» pour leur téléphone portable, comme si la liberté de se déplacer et de communiquer ne valait pas pour les requérants.

Et que dire de ces fouilles anales que la police multiplie sans raisons objectives, dans le seul but d’humilier ceux qui subissent des contrôles au faciès du fait de leur couleur de peau.

Non, les demandeurs d’asile ne sont plus traités comme des êtres humains. Mais c’est notre pays qui se rabaisse ainsi à bafouer les droits fondamentaux.

Yves Brutsch