Procédure | Demandes d’asile à l’aéroport de Genève: Des conditions de vie inhumaines
Depuis le début de l’année, les requérants doivent dans certains cas séjourner jusqu’à soixante jours dans la zone de transit des aéroports, contre trois semaines auparavant. Ceci pour permettre à l’Office fédéral des migrations (ODM) d’effectuer entièrement la procédure d’asile, comme c’est le cas dans les centres d’enregistrement et de procédure (CEP). Les conditions y sont proches de la détention.
A l’aéroport de Genève-Cointrin, les conditions de vie et d’hébergement proposées ne sont pas adaptées pour un séjour aussi long. Les requérants sont logés au sous-sol de la zone de transit. Cet endroit est composé de deux dortoirs – un pour les hommes, l’autre pour les femmes – d’une salle commune avec télévision, de douches et de sanitaires. Les lits sont à étage, il n’y a pas de fenêtre dans ces locaux. Rien n’est prévu pour les enfants. L’intendance est assurée par une personne de l’ORS Service AG, une entreprise privée spécialisée dans l’encadrement des requérants d’asile (voir Vivre Ensemble, n°112, avril 2007 et Vivre Ensemble, n°116, février 2008).
Des activités réduites
Pendant la journée, à part la télévision, la seule occupation possible est de se promener dans la zone de transit. Une sortie à l’air libre d’une heure est organisée, guère plus d’une fois par mois, le long de la piste de l’aéroport sous escorte de la police. Dans les CEP, les conditions de vie sont loin d’être idéales, mais il est possible de sortir pendant le jour et de disposer librement des week-ends. On y reçoit également un petit pécule de trois francs par jour. Autre problème: les requérants ne peuvent disposer gratuitement d’un fax et de l’accès à Internet, alors qu’ils ont besoin, pour défendre leur demande, d’obtenir des preuves de ce qu’ils affirment. L’association d’aide juridique pour les requérants d’asile ELISA se rend à l’aéroport en fonction des besoins et demandes. Elle utilise le fax et l’ordinateur de l’accueil œcuménique de l’aéroport.
Un confinement pesant
Dans ce petit local, les «détenus» du sous-sol reçoivent un peu de soutien et de réconfort de la part des aumôniers.
«Avant, l’attente était encore supportable. Mais maintenant, avec la prolongation du séjour, le moral des requérants descend rapidement au plus bas. Déprimés par les histoires des autres et la leur, ils font des insomnies. L’inaction forcée les rend de plus en plus passifs. Ils perdent aussi de l’intérêt pour la nourriture. En ce moment, il y a des travaux dans la zone de transit. Dans le seul restaurant ouvert, on leur propose essentiellement des pâtes à la sauce bolognaise. Beaucoup ont mal au ventre. Impossible d’envisager l’avenir dans de telles conditions. Le matin, lorsque nous arrivons, certains nous attendent déjà derrière la porte. Ils vivent dans un tel isolement! Ils ont besoin de rencontrer quelqu’un, de parler de la détresse de leur situation. Cela permet au moins, pour un moment, de faire sortir les questions. Ils souffrent aussi énormément d’être confinés à l’intérieur. Leur premier réflexe, en entrant dans le bureau de l’aumônerie, est de s’approcher de la fenêtre et de regarder dehors.» Jeanne-Marie Treboul, bénévole catholique.
Des cas tragiques
Depuis le changement de loi, une soixantaine de personnes (parmi lesquelles douze femmes et une enfant de sept ans) ont eu à supporter ces conditions de vie déplorables. Un exemple particulièrement tragique: celui d’une jeune Nigériane accompagnée de sa fillette menacée d’excision. Anne-Madeleine Reinmann, diacre protestante, ne cache pas son indignation à propos de cette situation:
«Pendant sept semaines, cette jeune femme a vécu un véritable calvaire. Complètement angoissée et déprimée, elle a vu sa demande d’asile rejetée, ainsi que le recours adressé contre la décision. A aucun moment son désespoir et sa peur n’ont été pris en compte. Pas un instant le sort de sa fillette n’a suscité la moindre attention. Et pourtant, passer des journées entières devant la télévision en compagnie d’adultes (des hommes pour la plupart), sans avoir la possibilité de sortir à l’air libre, ce ne sont vraiment pas des conditions favorables pour une enfant de sept ans! En dernier ressort, l’association ELISA a recouru, au nom de la maman et de la petite, contre leurs conditions de détention dans la zone de transit. Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a admis que la détention dans l’aéroport n’était pas justifiée. Le recours ayant été rejeté, la procédure d’asile était close le 28 avril. A partir de cette date, une nouvelle assignation aurait dû être déterminée! En ce moment, plusieurs personnes se trouvent dans la même situation, d’autres recours sont en cours. A plusieurs reprises, nous avons écrit au directeur de l’ODM pour lui faire part de nos préoccupations concernant les requérants. Nous n’avons reçu aucune réponse de sa part! Nous avons également interpellé les responsables de l’aéroport.»
Il devient, désormais, urgent, qu’en même temps que l’application de la loi, le respect de la dignité humaine soit aussi pris en compte.
Nicole Andreetta