Chère lectrice, Cher lecteur
Il y a dix ans, j’ouvrais pour la première fois la revue Vivre Ensemble. Je débutais comme journaliste au Courrier, responsable du dossier «migration», la loi sur l’asile faisait l’objet d’une énième révision, le terme «NEM» n’existait pas encore…
Vivre Ensemble était pour moi une précieuse source d’informations. Des informations de première main, fiables, débusquant les décisions administratives arbitraires ou injustes, les pratiques cantonales et fédérales cherchant à s’affranchir de l’esprit du droit des réfugiés.
Cette rigueur, cette précision, ce reflet de la réalité de l’asile en Suisse romande constituent la force de Vivre Ensemble. Et son utilité dans la défense du droit d’asile.
En m’embarquant dans l’aventure de Vivre Ensemble, j’espère poursuivre dans cette voie, épaulée par une équipe de rédaction en contact direct avec la réalité du terrain juridique, politique ou social.
J’ai aussi en tête quelques projets, que je souhaite mettre en place en 2009: remodeler la maquette du journal, développer le site Internet. Ces évolutions seront évidemment au service du contenu, raison d’être de Vivre Ensemble.
Les rafiots perdus en Méditerranée, les camps de rétention ou de détention disséminés un peu partout en Europe sont révélateurs du système de pensée dominant et de ce que l’on appelle Etat de droit. De même que ce regard, ce discours, portés sur tous ceux qui tentent de frapper à nos portes.
Dès lors, si la réflexion qu’inspire Hannah Arendt à Laure Adler sur les demandeurs d’asile (p. 8) est d’un pessimisme glacial, elle rappelle combien la lutte pour le respect des droits fondamentaux des demandeurs d’asile tient de l’essentiel.
Une lutte qui connaît parfois – et heureusement – des succès, comme dans le canton de Vaud, qui est sur le point de clore le dossier des déboutés (p. 10).
Une lutte en prise avec l’humanité, à l’image des dessins d’exil de demandeurs d’asile, produits dans des conditions très particulières, et que nous avons choisis pour illustrer ce numéro (p. 6).
Une lutte qui exige de la vigilance. La Loi sur l’asile, adoptée en septembre 2006, n’a pas encore déployé tous ses effets que déjà des durcissements sont agendés (p. 4).
La Suisse est si dure qu’elle devra, entre autres, revoir à la baisse ses conditions de détention en vue du refoulement – de 24 à 18 mois maximum – pour respecter la Directive retour adoptée fin juin par le Parlement européen. Au risque d’être exclue des accords de Schengen (sur la sécurité) et de Dublin (sur l’asile).
Faut-il s’en réjouir? Le paradoxe est criant: pays du Sud et défenseurs des droits humains ont crié leur indignation à l’encontre de cette «directive de la honte» (p. 10). Se réjouir, il n’y a donc pas de quoi, hormis de nous dire que nous ne sommes plus seuls à être indignés.
Sophie Malka