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Notre regard

Mesures de contraite | Conditions de détention à la prison administrative de Frambois

Le 26 septembre 2008, deux hommes détenus à la prison administrative de Frambois en attente de leur renvoi ont tenté de se suicider. Dans un rapport, publié ce printemps, la Ligue suisse des droits de l’homme (LSDH), section Genève, exhortait les autorités des trois cantons concernés par Frambois -Genève, Vaud et Neuchâtel- à renforcer l’encadrement médical de l’établissement et à tenir compte de la fragilité psychique des détenus. Depuis, les dysfonctionnements de cet établissement n’ont fait que s’aggraver. Le 28 octobre dernier, la LDSH alertait l’opinion publique par un communiqué de presse. Son président, Damien Scalia, ne cache pas son indignation. Entretien.

Vivre Ensemble: Il semble que les recommandations que vous préconisez dans le rapport concernant Frambois n’ont pas été suivies?

Damien Scalia: C’est malheureusement le cas. Dans le rapport, nous faisions part de nos inquiétudes concernant les soins médicaux, le suivi psychique en particulier. En décembre 2007, une personne avait tenté de se suicider pour échapper à un renvoi. Il nous apparaissait inadmissible que la santé et la fragilité mentale de certains détenus ne soit pas davantage prise en compte. Nos recommandations n’ont pas été entendues.

Nous avons contacté le département des institutions qui nous a assuré que quelque chose sera mis en place. Mais rien n’a changé! Les soins médicaux sont assurés par un médecin généraliste qui se rend sur place une fois par semaine.

Une personne, ayant séjourné à Belle-Idée pour des problèmes psychiatriques puis incarcérée à Frambois pour être renvoyée, peut demeurer plusieurs mois, sans soin approprié ni suivi psychologique, dans un lieu favorisant l’aggravation de son état mental.

Vous avez publié, le 28 octobre, un communiqué de presse dénonçant une grave détérioration de la situation?

En septembre, un Nigérian de 19 ans, frappé d’une NEM et un Kosovar de 27 ans, débouté de l’asile, ont tenté de mettre fin à leurs jours. Selon nos informations , il s’avère qu’au moment des faits, six gardiens sur sept étaient absents, remplacés par des agents privés. Nous ne remettons pas en cause les efforts de ces derniers: leur intervention a sauvé la vie des deux détenus. Mais nous dénonçons leur manque de formation adéquate. Ces agents ne sont pas entraînés à repérer des détériorations de l’état psychique.

En outre, nous condamnons vivement le fait que les deux détenus aient été ramenés à Frambois après une hospitalisation de, respectivement, un et quatre jours, sans suivi ultérieur!

Que préconisez-vous?

Les mesures de contraintes doivent être proscrites dans le cas de personnes souffrants de troubles mentaux. Il faut se rappeler que leur seul motif de détention est de ne pas avoir de papiers pour rester en Suisse. Que la durée de la peine n’est pas fixée d’avance, et qu’elle peut se prolonger jusqu’à deux ans avec les nouvelles lois.

La prolongation disproportionnée de cette détention augmente l’angoisse et l’incertitude. Et si ces conditions sont difficilement supportables pour des personnes en bonne santé, elles sont tout à fait néfastes pour les personnes fragilisées.

Que pensez-vous du rapport du Comité européen pour la prévision de la torture (CPT), qui, le 13 novembre dernier, après une visite effectuée en automne 2007, citait Frambois en exemple?

Il est possible que le jour de sa visite, le Comité n’ait été confronté à aucun problème ni manque de personnel. Et bien sûr, il y a des établissements pires que Frambois ! Ceci étant, le rapport du CPT s’inquiète des lacunes à Frambois en matière d’accès aux soins et demande à ce qu’une action soit faite au plus tôt.

Une nouvelle direction à Frambois pourra-t-elle améliorer la situation?

C’est à souhaiter ! Mais il s’agit de procéder à un véritable changement en matière de prise en charge des soins psychiatriques. Nous aimerions que le service médical de Frambois soit rattaché à celui de la prison de Champ-Dollon, ce qui permettrait aux détenus d’avoir plus facilement accès aux spécialistes. Nous désirons évidemment aussi poursuivre nos visites hebdomadaires.

Toujours le 13 novembre, la Commission des visiteurs du Parlement genevois a demandé au gouvernement la fermeture sans délai de Frambois.

L’avenir vous donne-t-il raison?

Nous soutenons leur demande. La LDSH a toujours été opposée à la détention administrative en vue de l’expulsion.

Propos recueillis par Nicole Andreeta


Notes:

  • Rapport disponible sur le site Internet de la LSDH: suite
  • Rapport du Comité pour la prévention de la torture et des peines et traitement inhumain ou dégradant et réponse de la Suisse sur le site de humanrights.ch: suite
  • Texte de l’interpellation de la Commission des visiteurs du Grand Conseil genevois. suite

Au-delà de trois mois, la détention est inefficace

L’objectif de la détention étant de s’assurer du renvoi des personnes jugées «indésirables», il est piquant de rappeler ce que la Commission de gestion du Conseil national avait relevé en 2005, au moment où les parlementaires suisses décidaient d’allonger de un à deux ans la durée maximale de détention:

«Au fur et à mesure que la durée de détention augmente, les chances de renvois diminuent nettement. (…) Dans la plupart des cas, c’est au cours des trois premiers mois qu’un détenu se décidera à coopérer pour l’établissement de son identité, l’obtention de ses papiers et l’organisation de son voyage de retour. »

Bref, au delà de trois mois, la détention ne se justifie pas.