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Notre regard

Renvois | Elle pouvait encore faire recours. Expulsée!

Madame F., 57 ans, d’origine kosovare, est arrivée en Suisse en septembre 2005 en compagnie de sa fille de 15 ans très sévèrement handicapée. Elle fuyait un mari devenu violent suite aux événements tragiques auxquels il avait été confronté durant la guerre. Elle ne pouvait attendre aucune protection des autorités du Kosovo. En tant que mère, Madame F. souhaitait aussi offrir un avenir plus digne à sa fille en lui permettant d’avoir accès aux soins élémentaires que son état de santé nécessitait.

Madame F. dépose donc une demande d’asile, requête refusée en septembre 2007. Un recours est déposé en octobre de la même année auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF). En mai 2010, la jeune A. décède à l’Hôpital de Sion. Madame F. n’obtient pas l’autorisation d’accompagner le corps de sa fille au Kosovo puis de revenir en Suisse. La réponse de l’Office fédéral des Migrations (ODM) est édifiante: sa procédure est en suspens auprès du TAF et comme elle n’est titulaire que d’un permis N, pas de visa de retour! Or, le mari de Madame la tient pour responsable de la mort de leur fille. Il lui a fait comprendre qu’elle n’a plus sa place au domicile familial. A cela s’ajoute de nombreuses menaces verbales. Madame F. craint pour sa sécurité en cas de rapatriement au Kosovo. Elle y renonce, la mort dans l’âme. Un deuil devenu impossible Dès lors, elle ne se remet pas du décès de sa fille. Son état de santé se dégrade considérablement et de façon irréversible. Un suivi psychologique devient indispensable. En ce qui concerne sa procédure d’asile, le TAF est rendu attentif à ces nouveaux éléments. Pourtant, il rejette en septembre 2010 le recours déposé trois ans plus tôt. Idem pour la demande de reconsidération de la mesure de renvoi - certificats médicaux à l’appui - en vue de l’obtention d’une admission provisoire introduite en novembre 2010. De surcroît, l’ODM réclame un émolument de Fr. 600.-, estimant la requête infondée. Madame F. a 30 jours pour recourir. Fin décembre 2010, elle est hospitalisée durant deux semaines. Alors que le délai de recours échoit le 19 janvier, la police intervient le jour même à quatre heures du matin à son domicile et l’emmène de force à l’aéroport de Zurich. Elle s’oppose à son embarquement dans l’avion qui va l’emmener à Pristina. Et là, on lui fait comprendre que si elle persiste dans son refus, elle risque de passer une année en prison (mesures de contrainte) et qu’elle sera rapatriée de force par vol spécial en compagnie de la police. Personne ne s’élève contre de telles pratiques. Pourquoi ne pas attendre la fin du délai de recours, même dans une procédure extraordinaire, avant de procéder au renvoi? La loi l’autorise. Le cas de Madame F. en est un parmi de nombreux autres observés au cours de ces dernières années, notamment dans le canton du Valais. Pour ma part, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase! Je suis indignée du manque d’humanité dont font preuve les autorités compétentes en matière d’asile et de renvoi!

Françoise Jacquemettaz