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Notre regard

Les soins, sans conditions

Le Réseau Santé Migrations (RSM) s’est créé à La Chaux-de-Fonds en 2007 par Médecins du Monde et l’Entraide protestante (EPER). Son objectif: faciliter l’accès aux soins des personnes sans statut légal. En quatre ans, un large réseau de professionnels a été mis en place, accompagné d’un important travail de sensibilisation aux réalités d’une population très vulnérable et peu visible: celle des sans-papiers et des recalé-e-s de l’asile.

Le Réseau santé migrations a été fondé suite à une journée de réflexion organisée en 2005 par l’EPER sur le thème: «Promotion de la santé auprès de personnes sans statut légal : quels défis et quelles réponses?» (1) Organisé par des gens du terrain, ce colloque répondait aux préoccupations grandissantes quant aux possibilités de soigner correctement des personnes sans autorisation de séjour.

A la situation extrêmement précaire des clandestins s’était en effet ajoutée en 2004 celle d’une nouvelle catégorie de sans-papiers, créée par l’administration elle-même: les personnes victimes d’une NEM. Ceux-ci vivent d’une seule «aide d’urgence», avec un accès très limité aux soins médicaux à condition de se déclarer régulièrement aux autorités, au risque de se faire interpeller…

La Loi sur l’asile adoptée fin 2006 (entrée en vigueur en 2008) vient encore grossir cette population en plaçant également à l’aide d’urgence les débouté-e-s de leur demande d’asile. Des personnes qui sont restées parfois plusieurs années en Suisse dans l’attente d’une réponse définitive, et qui se retrouvent, du jour au lendemain, exclues de l’aide sociale. Pour certaines, et selon les cantons, la mesure a également entraîné l’interruption d’un traitement médical majeur faute d’affiliation à la LAMal (Vivre Ensemble, n°118). Il faudra attendre août 2011 pour que le Conseil fédéral impose aux cantons par voie d’ordonnance l’obligation d’assurer les personnes à l’assurance de base. (lire Vivre Ensemble, n°134).

Les objectifs du réseau

Les constats et recommandations émanant du colloque de 2005, adressés au monde politique et aux professionnels de la santé et du social, ont servi de base à la mise en place du RSM. Celui-ci s’est fixé cinq objectifs :

  • Offrir un lieu d’accueil spécifique aux sans-papiers, leur permettant d’accéder rapidement à des soins médicaux, sans craindre une dénonciation.
  •  Les informer sur leur droit et obligation d’être affiliés à une assurance maladie.
  •  Etendre cette information à toute structure susceptible de rencontrer et d’aider des personnes sans statut légal.
  •  Créer un réseau de médecins et autres spécialistes de la santé.
  •  Tisser des liens avec les différentes associations s’occupant de migrants et de sans-papiers au niveau social.

Le principe de base est d’intervenir en amont de la démarche de soins, non de se substituer au système habituel de prise en charge, mais d’en faciliter l’accès. Le rôle de RSM est donc avant tout de conseiller et de coordonner (cf. encadré).

Très rapidement, le RSM a pu compter sur l’aide de professionnels de la santé. Généralistes et spécialistes, médecins-dentistes, physiothérapeutes, ostéopathes, diététiciennes, ils sont actuellement une trentaine à offrir leurs services. Le pôle psychiatrie est encore à développer, mais les contacts avec le Centre psychiatrique neuchâtelois sont très bons. De même avec le Planning familial.

Question honoraires, tous travaillent gratuitement; seul le matériel utilisé peut être facturé au RSM et les frais dentaires sont assumés pour 1/3 par le patient, 2/3 par l’association.

Parallèlement, le RSM, par l’intermédiaire de son travailleur social, est régulièrement en contact avec des groupes d’aide aux migrants, des associations regroupant les communautés étrangères, des milieux d’églises et les institutions sociales destinées aux personnes migrantes, soit des relais importants pour développer un travail de promotion des droits à la santé.

Quant à la confiance établie avec les sans- papiers, la permanence est régulièrement fréquentée, les gens osent venir et redonnent facilement des nouvelles, ils ne craignent plus de se rendre à l’hôpital et tendent à se soigner plus rapidement. Une manière de prévenir des cas plus lourds.

Dans un avenir proche, l’EPER mettra fin à son mandat dans ce projet, et c’est l’infirmière dépendant de Médecins du Monde qui maintiendra la structure. Une grande part de sa fonction sera un travail d’écoute, d’information et d’orientation.

De nouveaux défis

Parmi ses priorités: «maintenir le réseau médico-social actuel, tout en y impliquant davantage ses bénéficiaires; dépasser le cercle associatif en cherchant également des collabo- rations avec diverses institutions publiques afin que les sans-papiers puissent solliciter sans peur leurs prestations; enfin mener une réflexion pour que l’entité RSM puisse progressivement quitter son statut d’ONG et devenir un service relevant de l’Etat».

Une première démarche prévue est de s’approcher de l’Office cantonal de l’assurance-maladie et d’y poser le problème du droit aux subsides pour les sans-papiers, un acquis qui existe déjà à Fribourg et à Bâle.

Danielle Othenin-Girard


Note:

(1) Les Actes peuvent être commandées auprès de l’EPER, http://www.eper.ch.

Le bureau du RSM se situe dans le centre de La Chaux-de-Fonds. Un local avec pignon sur rue, petite infirmerie à l’arrière, ouvert deux après-midis par semaine. Y travaillent une infirmière-coordinatrice et un travailleur social, promoteur de santé. Le centre fonctionne essentiellement pour le Haut du canton et collabore avec le dispensaire de rue actif à Neuchâtel. L’infirmière accueille les personnes demandeuses de soins, se charge de l’anamnèse médico-sociale et évalue les situations. Règles d’or: écoute, mise en confiance, confidentialité assurée. Aucun dossier n’est établi. L’infirmière résout les problèmes simples, donne certains médicaments, souvent avec l’aide d’une pharmacie-partenaire. En cas de situations plus complexes, la personne est adressée à un médecin du réseau ou, selon l’urgence, à l’hôpital. Les factures sont adressées au RSM, pour éviter tout risque de rappel, de mise aux poursuites et donc de dénonciation potentielle. Au-delà de la demande médicale, s’expriment bien souvent d’autres préoccupations: assurance-maladie, logement, travail, divers problèmes administratifs (procédure de mariage, de divorce, etc…). C’est le travailleur social qui prend le relais, téléphone pour fixer des rendez-vous, aide à la rédaction de lettres, encourage à poursuivre des démarches, oriente les demandeurs vers d’autres organismes utiles.

Danielle Othenin-Girard