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Opinion | Loi sur l’asile: quel tournant?

Opinion de Aldo Brina, chargé d’information sur l’asile au Centre social protestant, parue dans Le Courrier le 12 février 2013.

« L’asile face à un tournant », c’est ainsi que, le 31 janvier dernier, l’Organisation suisse des réfugiés (OSAR) qualifiait la situation, dans un communiqué clôturant un symposium qui, à l’invitation de l’OSAR et du Haut commissariat aux réfugiés (HCR), réunit tous les deux ans les principaux acteurs institutionnels concernés. L’OSAR faisait allusion au grand projet de Simonetta Sommaruga, qui prévoit d’accélérer les procédures d’asile et fait miroiter la mise en place d’une aide juridique gratuite pour tous les requérants. Il semble utile de relever que pour l’OSAR, obtenir le mandat d’organiser cette aide juridique est essentiel pour son propre maintien. Quant au parti socialiste suisse, il s’est apparemment fixé comme priorité de montrer que sa ministre gère mieux les flux et stock de l’asile que Christof Blocher.

Dès lors, si les principales œuvres d’entraide et la direction du plus grand parti de gauche soutiennent sans faille le projet Sommaruga, et donc du Conseil fédéral, qui porte encore un regard ouvertement critique ? Le fait que des Conseillers d’Etat tels que Pierre Maudet ou Philippe Leuba ne tarissent plus d’éloges au sujet du projet Sommaruga ne devrait-il pas mettre la puce à l’oreille des leaders de gauche ? On entend pourtant peu leurs voix…

Au symposium, où il était question d’accélérer les procédures, on n’aura presque pas parlé des erreurs d’instruction que l’Office des migrations commet et qui conduisent à de nombreux recours, ni des priorités que fixe l’autorité et qui l’amènent à laisser volontairement certains cas au frigo (ceux des Syriens par exemple qui pourtant ont un besoin indéniable de protection). C’est même un juge du Tribunal administratif fédéral qui a dû rappeler que ce sont surtout les révisions législatives à répétition qui ralentissent régulièrement la machine. Non, le postulat dominant, c’est que pour accélérer les procédures, il suffit de réunir tous les acteurs concernés dans de grands centres, et personne ne semble plus vouloir remettre en cause ce qui n’est qu’une hypothèse.

Plus effarant encore : les représentants d’organisations qui ont combattu la loi sur les mesures de contrainte en 1994, condamné l’extension de la détention administrative en 2006, et plus récemment salué le film « Vol Spécial », ont plutôt applaudi de bon cœur un projet qui prévoit pourtant de doubler les places de détention administrative en Suisse… un « tournant » vous avez dit ?

Autre virage, et pas des moindres : à Genève, ville qui a prêté son nom entre autres à la Convention des réfugiés, et qui tire profit de son aura humanitaire, Pierre Maudet propose que le canton se spécialise dans la détention administrative, le centre pour « récalcitrant-e-s » et l’expulsion de ceux qui ont osé prétendre à tort à une protection en Suisse (y compris celle des malheureux « cas Dublin » qui, soit-dit-en passant, sont souvent de vrais réfugiés en errance). L’absence de réaction suite à cette annonce glace le sang.

Heureusement, dans ce seul canton, 11’000 personnes ont déjà signé contre les centres pour récalcitrants, en paraphant le référendum lancé contre les mesures urgentes qui a récemment abouti. Pierre Maudet ferait peut-être bien d’en prendre note, car cela laisse augurer une forte résistance à ses projets tout en barbelés. Quant à la campagne référendaire, vitale pour la mobilisation de toutes celles et ceux qui sont attachés au droit d’asile, elle ne pourra que s’inscrire dans une lutte plus large qui ne fait que commencer.

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