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Notre regard

Editorial | Informer, pour renforcer les droits des réfugiés

Au moment où nous mettions sous presse, le résultat de la votation du 9 juin était à peine sorti des urnes. Un verdict plus que sévère pour les opposants à la révision, même si nous nous attendions à une défaite.

Nous ne pouvons qu’en déduire l’état de l’opinion sur une problématique qui touche une minorité quasi invisible, et où la logique du bouc-émissaire fonctionne à plein régime.

UNE sliderMais une opinion qui a aussi voté sur les promesses d’«accélérer les procédures» et de «préserver la tradition humanitaire de la Suisse» faites par la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, au nom du Conseil fédéral et avec le soutien de la droite.

Son engagement dans cette campagne et son étiquette socialiste – hâtivement associée à une garantie d’humanisme – sont pour beaucoup dans ce résultat, qui dépasse pour une fois le clivage gauche-droite. Alors gueule de bois de ceux qui ont vu dans cette dixième révision uniquement des durcissements, oui. Mais aussi détermination à ne pas lâcher le morceau. Madame Sommaruga a donné nombre de garanties «humanistes», qu’elle les tienne ! En commençant par faire évaluer par un organisme indépendant les procédures-tests accélérées qui seront mises en place à Zurich, et ceci, AVANT de mettre en consultation le projet de loi concernant lesdites procédures (pp. 2-3).

Dénoncer une injustice subie par un collègue dans une classe, dans une entreprise, est une question de principe, même si on est minoritaire. La question, aujourd’hui, n’est plus de savoir s’il fallait lancer ce référendum. Mais de parvenir à faire entendre ces signaux d’alerte. Et de mobiliser au-delà des milieux actifs auprès des réfugiés (p.4-5). Cette campagne a touché et mobilisé des personnes jusqu’ici éloignées de la discussion. Elle a offert aux opposants aux durcissements un espace de parole. Cela n’a pas suffi à couvrir le bruit de la machine de communication du Conseil fédéral et de la majorité de droite, si bien huilée.

C’est que le terreau est labouré depuis 20 ans par une UDC qui n’a même pas eu besoin de battre le pavé, tant le PLR et le PDC suisses se sont réappropriés ses thèses, tant ce discours-là est entré dans le langage courant. Et tant les responsables politiques ont appuyé de tout leur poids pour faire passer ces mesures. Quitte à s’arranger avec la vérité, promettant la «sécurité» en quelques sentences bien balancées (p. 20). Quitte à jouer sur les peurs. Peurs accrues par la crise économique, la crise du logement, la perte de maîtrise de sa propre existence et de repères quant à qui décide de quoi. Des peurs alimentées par des instances politiques qui ont elles-mêmes besoin de croire (et de faire croire) qu’elles ont la solution. L’«accélération» des procédures d’asile, fondée sur un rapport dont les chiffres étaient biaisés dès le départ, n’a été qu’un cheval de Troie (1). Que restera-t-il de la promesse d’une assistance juridique quand la droite devra voter les budgets au Parlement? Qu’en est-il des coûts sociaux de la misère, des problèmes d’intégration renforcés par cette nouvelle forme de ségrégation?

Madame Sommaruga n’en sait rien.

Cette fuite en avant ne cessera pas tant que la politique d’asile sera synonyme de «lutte contre les abus», de «réduction de l’attractivité» ou de «contrôle des flux migratoires» (2). Et tant que l’autorité chapeautant l’Office fédéral des migrations n’aura pas le courage de véritablement quitter son rôle de gestionnaire pour endosser celui d’un garant des droits fondamentaux des demandeurs d’asile en Suisse et de leur accès à une procédure juste ; un rôle de relais sur le plan national du Haut commissariat aux réfugiés et des principes qu’il défend. Madame Sommaruga n’en a revêtu que le masque, tâchant de faire oublier l’entorse à la définition du réfugié qu’est la suppression de la désertion comme motif d’asile ou la suppression des demandes d’asile aux ambassades (p. 6-8).

Tout le monde sait que les durcissements du 9 juin ne rempliront pas les promesses faites, qu’ils sont condamnés à être suivis d’autres durcissements (p 2). Lorsque l’Etat joue avec le droit et ce qu’on appelle la sécurité du droit, il joue avec le feu.

Toute minorité que nous sommes, nous sommes déterminés à continuer à nous y opposer et à promouvoir une société fondée sur des principes justes et d’égalité, avec les armes qui sont les nôtres : l’information.

Sophie Malka


Notes:

(1) Lire Vivre Ensemble, n° 133

(2) Commission fédérale contre le racisme, « Plus dure est la loi, plus dur est le regard« , Communiqué, 26/05/13