L’intégration des Suisses | Autour du ballon, les règles sont les mêmes pour tout-e-s
L’organisation d’un «tournoi de beach soccer multiculturel» le 16 août à Neuchâtel nous a conduits à nous interroger sur ce que signifie ce terme si récurrent: «l’intégration».
Le 20 juin dernier, le Parlement fédéral approuvait la révision de la loi sur la nationalité. Justifiée par la nécessité d’harmoniser des pratiques cantonales qui, il est vrai, menaient parfois à des délais d’attente arbitraires dans les procédures, cette révision introduit surtout de nouveaux obstacles sur le chemin de l’obtention du passeport suisse. En plus d’être titulaire d’une autorisation d’établissement (permis C), il faudra maintenant démontrer une «intégration réussie» pour pouvoir prétendre à la nationalité.
Quelle intégration?
Cette notion d’ «intégration réussie» nous interroge et nous déplaît. La nouvelle loi fixe une série de critères que la personne doit remplir pour prétendre à la nationalité, critères qui ne seraient d’ailleurs pas remplis par bon nombre de Suissesses et de Suisses de naissance. Il s’agit par exemple du respect des valeurs de la Constitution (lesquelles?) et de la maîtrise d’une langue nationale à l’oral et à l’écrit. L’acquisition de la nationalité est ainsi vue comme la récompense d’un processus d’intégration, toujours compris comme unilatéral (le migrant doit changer, s’adapter, sans qu’aucun effort similaire ne soit demandé aux nationaux) et quantifiable. Un aspect qui n’est jamais abordé en revanche, c’est que ces longues années d’«intégration» se font, pour la plupart des migrants, dans la précarité et sans bénéficier des mêmes droits que les Suisses.
Il nous semble que cette opinion selon laquelle les étrangers doivent « gagner des points » pour mériter de vivre en Suisse comme de «vrais» Suissesses et Suisses fait partie d’une mentalité nationaliste partagée malheureusement par bon nombre de nos concitoyen-ne-s.
- Être indépendant-e financièrement: 1 point.
- Parler le français sans accent: 1 point.
- Savoir chanter l’hymne national sans fausse note: 2 points.
Avec l’ACAP (Association pour un Centre Autogéré Populaire), nous nous sommes demandés s’il était possible de gagner des points en jouant au football.
Un tournoi multiculturel
Le samedi 16 août, notre jeune association neuchâteloise, avec le soutien de Bel Horizon et l’aide des collectifs «La Narvalle» et «La Prise», organisait donc un «tournoi de beach soccer multiculturel» au bord du lac. L’évènement a rassemblé onze équipes, formées de requérant-e-s d’asile du centre de Fontainemelon, de migrant-e-s de divers horizons et d’ «autochtones». Après plus de six heures de foot et un repas gratuit, les quatre meilleures équipes ont reçu des prix des Magasins du Monde et les vainqueurs une coupe en bois.
Le but d’un tel évènement est bien entendu de casser l’exclusion dont les requérant-e-s, et, plus généralement les migrante-s, sont victimes.
Mais pour l’ACAP, il s’agit également de créer un espace dans lequel toutes et tous sont appelés à évoluer. L’intégration dans les deux sens, d’une certaine manière. Car en côtoyant ces personnes marginalisées, diabolisées dans les médias, l’individu doit remettre en question ses préjugés et également, nous l’espérons, cette culture politique nationaliste à laquelle nous avons déjà fait référence.
Nous sommes conscient-e-s des limites de notre démarche. Après avoir ouvert un espace d’échange le temps d’une journée, chacun-e rentre chez soi, retourne à sa réalité qui n’est pas du tout la même : pas les mêmes droits, pas le même pouvoir, pas la même capacité de choisir. Nous ne savons pas si ce tournoi aura permis aux migrant-e-s de franchir des étapes sur le chemin de l’intégration telle que définie par la nouvelle loi sur la nationalité. Ce dont nous sommes certain-e-s, c’est que grâce à cette journée, nous aurons tous gagné des points. Quelle que soit la couleur de notre passeport.