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SOS Asile | Nous ne pouvons pas défendre la révision de la Loi sur l’asile!

Le 5 juin 2016, nous devrons voter une nouvelle fois sur une révision de la Loi sur l’asile (LAsi). Une situation bien connue? Non, car, cette fois, le projet est porté par une ministre socialiste et c’est l’extrême-droite qui a fait aboutir le referendum. Cette configuration est une première et elle plonge les organisations de défense du droit d’asile dans un grand embarras. Quelle consigne de vote faudrait-il donner? Recommander le Non ne serait-il pas faire le jeu de l’UDC? La question nous semble mal posée. Elle nous plonge dans un choix impossible. Pour nous en sortir, il nous faut nous écarter d’une vision manichéenne obligeant à adopter la position contraire de celle prônée par l’UDC. La situation paraît alors moins difficile.

Rappel: le Parlement a adopté le 28 septembre 2012 les fameuses « mesures urgentes » qui modifiaient la LAsi pour une durée limitée. Etaient ainsi entérinées l’impossibilité pour les déserteurs d’obtenir l’asile, la suppression des demandes d’asile aux ambassades, la création de centres spécifiques pour récalcitrants, entre autres horreurs. Le mouvement de défense du droit d’asile a lancé un referendum contre ces mesures. La votation populaire du 9 juin 2013 les a hélas nettement ratifiées. Le Parlement en a prolongé la validité jusqu’au 28 septembre 2019.

En parallèle, la Conseillère fédérale socialiste Simonetta Sommaruga a mené un grand chantier aboutissant à l’adoption le 25 septembre 2015 d’une nouvelle modification de la LAsi intitulée « Restructuration du domaine de l’asile ». Une restructuration défendue comme destinée à « accélérer les procédures », tant pour les personnes amenées à rester en Suisse que pour celle destinées à être renvoyées. Cet emballage rhétorique a fonctionné à merveille lors de la votation de juin 2013. La ministre ressort l’argument de façon scandaleuse aujourd’hui (voir le communiqué du Conseil fédéral du 21.03.16). Or, ses services ont gelé l’examen des demandes d’asile des personnes dont l’examen de la demande aboutira à une protection. En premier lieu les Syriens, Afghans ou Erythréens.

Cette modification législative a également pour objectif d’intégrer les modifications urgentes de la LAsi « afin de les transposer pour une durée indéterminée dans le droit ordinaire ». La loi sur laquelle nous voterons reprend mot pour mot la plupart des dispositions qui figuraient déjà dans la loi urgente et celle prolongeant la durée de validité de celle-ci.

Au final, nous nous retrouvons donc avec un texte qui contient toutes les mesures contestées en 2012-2013. A ceci s’ajoutent les nouvelles dispositions concentrant la procédure dans des centres fédéraux, avec une série de restrictions à peine compensées par une aide juridique extrêmement limitée. Cette aide juridique est le seul aspect positif mis en avant par les milieux favorables à la révision du 25 septembre 2015. Voici pourtant comment la présente le SEM dans son bilan de la « phase test » destinée à évaluer la faisabilité de la restructuration: « Le représentant légal (…) renseigne le requérant d’asile sur le déroulement de la procédure et sur les chances de succès de sa demande. Ainsi, les décisions du SEM sont mieux acceptées (…) » (communiqué du 14 mars 2016). Nous sommes loin de la véritable défense juridique dont les candidats à l’asile ont besoin!

La question qui sera posée aux votants le 5 juin 2016 sera: « Acceptez-vous la révision de la LAsi du 25 septembre 2015? ». Ce ne sera pas: « Acceptez-vous le référendum de l’UDC? ». Face à quoi, la seule position qui nous semble tenable est de dire Non à cette révision néfaste qui entend graver dans le marbre les mesures urgentes de 2012 et une très problématique restructuration de la procédure d’asile. Quelle cohérence aurions-nous d’appeler aujourd’hui à accepter ce que nous dénoncions lors de la votation de 2013?

Il est possible de mener une campagne qui mette en avant des arguments se démarquant du populisme de l’UDC. Il est vital pour le mouvement de défense du droit d’asile de sortir des alternatives empoisonnées et de rester autonome par rapport aux jeux des politiciens. Car quand le président du Parti socialiste suisse appelle, au lendemain du refus de l’initiative « de mise en oeuvre » de l’UDC, à poursuivre la lutte pour les droits humains en acceptant la révision de la LAsi attaquée par certaines sections de ce même parti et par les jeunesses socialistes, il manipule tout autant l’opinion publique. Il n’y a rien qui soit respectueux des droits humains dans la révision mise sous toit le 25 septembre 2015.

La composition des Chambres fédérales au sortir des dernières élections place l’UDC et le PLR en position de force : même avec un Oui à la révision de la LAsi, rien ne garantit que le Parlement ne mènera pas de nouveaux durcissements. Par exemple, réduire la maigre défense juridique du projet Sommaruga pour être agréable à l’UDC…

Christophe Tafelmacher,
Membre de SOS Asile Vaud et du comité de Vivre Ensemble