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Notre regard

CNPT | Conditions de détention administrative jugées non-conformes en Valais

En 2017, la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) est venue observer, selon son mandat, les conditions de détention administrative au centre LMC de Granges (Valais). Suite à la constatation de certains points jugés particulièrement problématiques, celle-ci avait émis des recommandations à l’établissement. En janvier 2019, une nouvelle délégation est venue visiter le centre et constate aujourd’hui encore certaines pratiques contraires aux standards nationaux et internationaux. La commission vient de publier un rapport détaillé sur ces constats. Le Conseil d’État valaisan, qui lui répond, ne partage pas entièrement son analyse.

Il importe tout d’abord de relever que le régime de détention administrative ne relève pas du droit pénal. Les personnes qui sont incarcérées dans cet établissement ne le sont pas suite à un délit, contrairement à ce que laisse croire la réponse du Conseil d’Etat valaisan à Keystone-ATS. Elles subissent cette mesure de contrainte parce que la Suisse souhaite les voir quitter le territoire.

Il faut également rappeler que la durée maximale actuelle de détention administrative en Suisse est de 18 mois. A l’origine, celle-ci avait été instaurée à 24 mois en Suisse mais l’adoption de la directive retour par l’UE l’avait poussé à restreindre pour mise en conformité. Néanmoins, en condition de privation de liberté, cela reste long.

Avec ces deux éléments en tête, la lecture du rapport de la CNPT sur les conditions de vie carcérales au centre LMC de Granges inquiète. Certaines améliorations y sont saluées: les femmes et les mineurs n’y sont plus incarcérés et un nouveau bâtiment de détention administrative sera construit… à l’horizon 2022.  Mais, plusieurs points sont encore jugés problématiques. Des cloisonnements en cellule de 19-20h par jour, des sanitaires internes aux chambres collectives sans véritable intimité possible, un accès interdit à internet, un accès au téléphone et aux visites très restreint, des repas en chambre et très peu d’activités récréatives. Mais le Conseil d’État valaisan qui prend position ne se laisse pas ébranler par ce que la Commission décrit comme « contraire aux standards nationaux et internationaux ». Il informe qu’une nouvelle salle servant d’atelier d’occupation et de réfectoire sera ouverte pour améliorer la situation. Le reste ? Pas de téléphones portables et d’internet : «… pour des raisons de sécurité évidente », écrit-il. Des cloisonnements trop longs ? « …il existe des tensions entre certains pensionnaires », explique le Conseil d’État. Il est vrai qu’à la lecture des conditions de vie imposées à ces personnes, on peut imaginer qu’une certaine nervosité apparaisse. Même chez les lecteurs.

Giada de Coulon, Vivre Ensemble

Ci-dessous le communiqué de presse du 06.06.2019 et les liens vers les différents rapports, à retrouver sur le site de la CNPT.

A lire également l’article du 06.06.2019 publié sur Swissinfo « Médiocres conditions de détention au centre LMC à Granges (VS) » de Keystone/Andree-Noelle Pot. Le Conseiller d’Etat valaisan Frédéric Favre répond aux questions de keystone-ats sur ce rapport.

Centre LMC de Granges (VS) : des mesures insuffisantes

Berne, 05.06.2019 – Dans son rapport publié jeudi 6 juin 2019, la CNPT tire un bilan de ses deux visites de contrôles effectuées en 2017 et en 2019 au centre de détention administrative LMC de Granges. Bien qu’elle accueille favorablement les mesures prises par le Conseil d’Etat valaisan, elle estime que des changements importants sont nécessaires pour rendre les conditions de détention administrative conformes aux normes nationales et internationales pertinentes.

Dans son rapport qui résume ses principales constatations, la Commission dresse le bilan de la mise en œuvre de ses recommandations adressées au Conseil d’État. Alors qu’elle salue la création d’un nouvel établissement de détention administrative prévu en 2022, elle reste préoccupée, au vu du caractère non-pénal de la détention administrative, par les conditions de détention qu’elle juge contraires aux standards nationaux et internationaux. Elle constate en revanche avec satisfaction que le Conseil d’Etat a renoncé au placement de femmes et de mineurs au sein de l’établissement.

Régime de détention jugé trop restrictif

Bien que la Commission se félicite des aménagements prévus par les autorités, notamment de l’installation d’une salle supplémentaire permettant aux détenus de prendre les repas en commun et de la création d’un atelier d’occupation, elle est d’avis que ces mesures ne permettront pas de pallier au régime de détention jugé trop restrictif et selon lequel les personnes détenues continuent à passer en moyenne entre 19 et 20 heures par jour en cellule. Elle regrette dès lors que le Conseil d’Etat ne donne pas une suite favorable à sa recommandation visant un enfermement en cellule seulement durant la nuit, une mesure que la Commission juge réaliste à la lumière des constats réalisés dans d’autres établissements.

Pas d’usage limité des téléphones portables

La Commission recommande par ailleurs aux autorités d’assouplir le régime des visites et de faciliter les contacts avec le monde extérieur, notamment en introduisant un usage limité du téléphone portable tel qu’il est pratiqué dans d’autres établissements de détention administrative en Suisse. Elle se dit déçue de la réponse du Conseil d’Etat qui refuse une entrée en matière pour des raisons de sécurité.

Depuis 2010, la Commission a visité le centre LMC de Granges à cinq reprises. Dans le cadre d’un entretien bilatéral en mai 2018, elle avait notamment fait part au Conseil d’Etat de ses préoccupations et avait recommandé au Conseil d’État de prendre des mesures urgentes. En janvier 2019, la Commission a effectué une visite de suivi inopinée au sein de l’établissement et avait par la même occasion rencontré les représentantes de la Commission consultative LMC.